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Le Brasier de Justice

Le Brasier de Justice

Titel: Le Brasier de Justice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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Philippe. À fort juste titre. Espérons que son aîné Arthur le soit de même…
    Aussi influençable et complesant, traduisit Chappe.
    — Leurs ancêtres, dont Jean I er , nous ont… donné du fil à détordre en s’alliant de façon plus ou moins éclatante avec l’Anglois. Mais nous sommes maintenant bons amis. Quoi de plus précieux que les amis, ajouta messire de Nogaret.
    Son ton indiquait assez qu’une armée partirait au demain pour « assagir » la Bretagne si elle ruait à nouveau dans les brancards. Le Capétien n’était pas à une révolte réprimée dans le sang près. Il avait étranglé dans un gantelet d’acier toutes les insurrections.
    — D’autant que l’alliance entre Isabelle de Valois et Arthur ne peut être qu’à l’avantage du roi, mon maître, reprit le conseiller. Elle est encore jeune pour procréer, mais souhaitons-leur abondante progéniture. Après tout, le duché pourrait ainsi revenir dans le giron français. S’ils ont un fils, nous trouverons bien une princesse franque 2 à lui faire épouser.
    Émile Chappe en était ébaubi 3 . Dieu du ciel, il touchait du doigt la grande politique, les stratagèmes des puissants, le royaume de France. Grisé parce qu’il sentait enfin le monde, le vrai, le seul, s’ouvrir devant lui, il risqua :
    — Mais… avec tout mon respect, messire… que vient faire messire d’Estrevers, bailli d’épée du Perche, dans cette charade, dans le décès prématuré de Jean II ?
    — Habile question, mon bon Émile. Et je compte sur vous pour m’offrir la réponse, ou du moins son début, jeta le conseiller dans un étirement de lèvres sèches qui pouvait passer pour un sourire. Car, à la vérité, je n’en ai pas la moindre idée.
    Guillaume de Nogaret détailla une grosse miette de pain tombée sur sa table de travail et entreprit de la pousser du bout de l’ongle, un peu à droite, puis un peu à gauche, puis vers l’avant, semblant avoir totalement oublié son interlocuteur. Il lécha le bout de son index et y colla la miette qu’il goba enfin d’un air satisfait. Relevant la tête, un étrange sourire découvrant ses petites dents d’un ivoire jauni, il déclara, songeur mais amusé :
    — Quoique… quoique ! Étourdissante hypothèse, si stupéfiante que je m’en méfie d’instinct. Le merci, mon bon Émile. Vous me servez bien.
    Chappe comprit qu’il ne devait pas insister, au risque d’indisposer le conseiller.
    1 - L’accident s’est déroulé ainsi. Selon les sources, Jean II serait mort quelques heures ou quatre jours plus tard, le 16 novembre 1305.

    2 - Bien que les peuplades franques aient été germaniques à l’origine, les mérovingiens, carolingiens et capétiens revendiquèrent le titre de rois francs, même si la dénomination n’avait plus rien d’ethnique.

    3 - Très surpris, stupéfait.

XXXVII
    Alentours de Mortagne, novembre 1305
    B ernadine ne savait plus si elle devait s’inquiéter ou se réjouir des bouleversements qu’elle constatait en son maître. Elle avait d’abord été terrorisée lorsqu’elle avait cru reconnaître sur son visage, dans son débit, les prémices du mal sournois et mystérieux qui avait peu à peu rongé son époux, bourreau lui aussi. Une sorte de fièvre d’âme qui l’avait consumé en quelques mois. Cependant, depuis son retour de Nogent-le-Rotrou, ou plutôt depuis sa visite au sous-bailli Arnaud de Tisans, Hardouin semblait habité par une tension presque farouche, mais d’une stupéfiante vitalité. À l’habitude réservé, calme, presque austère, il mangeait tel un ogre, dormait aussi profondément qu’un loir et riait des simagrées 1 du chien Aeneas qui n’avait pas son pareil pour l’attendrir et obtenir un petit morceau de viande, de lard ou de fromage. Quant à Sidonie, son engouement pour le corniaud ne se démentait pas. Elle préparait son écuelle avec un soin qu’elle n’aurait sans doute pas apporté à celle de l’exécuteur, non que Bernadine eût toléré qu’elle assumât cette responsabilité !

    La servante-confidente finissait par se demander s’il n’y avait pas affaire de femme sous les changements qu’elle constatait. Cette supposition la remplissait d’aise. Un homme si bon, si beau, si achevé que son jeune maître devait rendre une femme heureuse. L’inverse eût été injuste gâchis. Certes, l’arrivée d’une maîtresse créait toujours quelques remous dans une maisonnée. Toutefois, Bernadine se

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