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Le Brasier de Justice

Le Brasier de Justice

Titel: Le Brasier de Justice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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d’une telle mollesse, d’une telle inaptitude que rien n’avançait à sa satisfaction !
    Arnaud de Tisans traînait, ne lui offrant pas ce qu’il souhaitait : un moyen de plaire à Mgr de Valois ! Certes, ni Tisans ni Charles de Valois n’étaient au courant de sa détestable implication. Eh quoi ! Le frère du roi lui avait fait part d’un vœu : déstabiliser Jean II de Bretagne en sa seigneurie de Nogent-le-Rotrou. À l’instar de tous les puissants, peu lui chalait la façon dont on lui procurerait ce qu’il exigeait. Surtout, il ne voulait rien en savoir, seul le résultat importait à ses yeux.
    Estrevers avait réfléchi durant des semaines, cherchant si quelque fâcheuse histoire concernant Guy de Trais pouvait être découverte. En vain. De Trais se révélait un fat, et sans doute un incompétent vite dépassé par les événements, qui eût été bien plus à sa place dans une cour quelconque qu’à la tête d’un baillage. Pas de quoi fouetter un chat, et encore moins mettre en difficulté un duc de Bretagne.
    Deux ans et demi plus tôt, un premier petit corps de garçonnet avait été découvert dans une venelle de Nogent. Étranglé, peut-être par un parent désireux de supprimer un ventre affamé ou par le client d’une taverne qu’il avait tenté de détrousser, voire par un enfant un peu plus grand qui lui disputait un bout de pain. Bref, une histoire banale en cette époque où les bourreaux touchaient un surcroît pour repêcher dans les rivières ou les putels les nouveau-nés ou enfançons noyés à la naissance ou peu après. L’idée avait alors germé dans l’esprit du grand bailli d’épée : une série de meurtres obscènes et abjects d’enfants. Un peu de subtilité et Guy de Trais se révélerait incapable d’y voir clair. Un peu plus de perfidie, quelques rumeurs lancées ci ou là, et d’aucuns finiraient par croire qu’il n’était pas étranger à cette monstruosité. La grogne populaire se transformerait en vives protestations et peut-être en émeutes. Il se trouverait bien quelques abrutis pour jurer sur tous les saints avoir aperçu de Trais à la nuit échue, se faufilant tel un ribleur 1 dans les ruelles. À l’évidence, le scandale rejaillirait sur Jean II de Bretagne, dont Guy de Trais était le protégé. Pour le plaisir de Mgr de Valois. Et voilà que, soudain, ce même Mgr de Valois lui laissait entendre à demi-mot que la « sinistre affaire de Nogent-le-Rotrou » ne l’intéressait plus guère. Ajoutant d’un ton de fatuité :
    — La politique, mon bon Estrevers, la politique ! Ce que file le jourd’hui est défait par le demain. Quoi qu’il en soit, heureux épilogue, puisque vous n’avanciez pas.
    Le reproche, non déguisé, avait fait frissonner Adelin d’Estrevers. Comment aurait-il pu prévoir que Jean II leur ferait la grâce d’être écrasé à Lyon en menant la mule du pape ? Mais, de fait, son décès éclaircissait la voie à Charles de Valois afin de récupérer par alliance le duché de Bretagne.
    La peste était de Tisans qui n’avait pas avancé assez vite ! Certes, Estrevers ne lui avait soufflé mot de son véritable plan, se défiant de lui. Existait chez le sous-bailli une sorte de sensiblerie déplacée pour un homme de sa charge. Qu’avait-on à faire de la justice des hommes ! La justice des hommes était le biberon qu’on faisait miroiter aux pauvres ou aux faibles d’esprit pour leur faire accroire que l’on prenait soin d’eux. La justice des hommes ne concernait pas les vrais puissants, sauf lorsqu’ils avaient été assez bêtes pour que leurs forfaits s’étalent aux yeux de tous. Quant à lui, il se savait assez intelligent et madré pour passer au travers des mailles du filet.
    Pour cette raison, le revirement de Mgr de Valois ne changeait rien à la donne. Le grand bailli d’épée avait impérativement besoin que le faux coupable qu’il avait trouvé afin de plaire à M. de Valois paie pour lui. L’implication du grand bailli d’épée devenait bien trop dangereuse. Bah ! Après tout, Guy de Trais était un imbécile affable, quoique prétentieux. Autant qu’il serve à quelque chose puisque son trépas ne ferait pas grande différence.

    Il interrompit son manège, assez surpris par sa nervosité. Il creusait depuis quelques instants de petits puits agressifs dans la terre détrempée, du bout de la lame de son épée, sans même s’en rendre compte. Holà, l’homme,

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