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Le Brasier de Justice

Le Brasier de Justice

Titel: Le Brasier de Justice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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fille !
    Assemblant le discours décousu du frère du roi, Émile comprit enfin :
    — Jean II de Bretagne est défunt ?
    — Oui-da. Dieu du ciel ! Du moins est-il mort presque dans les bras du Saint-Père. Sans doute un puissant sauf-conduit pour le paradis. Or donc, afin d’apaiser le mécontentement du pape à l’égard de l’épiscopat breton, Jean II s’est précipité pour assister au sacre de Clément V à Lyon. Et ne voilà-t-il pas qu’au sortir de l’église Saint-Just, dans la montée du Gourguillon, un mur sur lequel s’était massée une foule s’effondre, ensevelissant ce bon Jean qui, pour faire amende honorable, menait la mule papale par la bride ! Le pape n’a été qu’égratigné. Mais Jean fut tiré fort mal en point de l’éboulis. Il a fini par trépasser de ses blessures 1 . Voilà qui modifie la donne, et grandement, marmonna Valois en se frottant le menton, l’air perplexe.
    — La donne ?
    Au regard torve que lui jeta Mgr de Valois, Émile comprit qu’il avait manqué de subtilité et que le frère du roi n’avait pas le front si bas qu’il l’avait voulu penser.
    — En quoi cela vous chaut-il, Chappe ? Bien sûr, la donne ! Mon frère perd un fiable vassal qui s’était éloigné de l’Anglois pour lui plaire.
    — À l’évidence, approuva d’un ton penaud Émile en s’inclinant davantage, certain qu’une autre donne, plus importante car plus personnelle, occupait l’esprit de Charles de Valois.
    — Pour en revenir à ce message, Chappe, prévenez M. d’Estrevers que je le dois voir au plus preste. Ajoutez que le duc de Bretagne n’est plus.
    Émile attendit, espérant que Mgr de Valois ajouterait une ou deux précisions qu’il se ferait fort d’aussitôt rapporter au conseiller du roi.
    — Il suffit. À votre tâche, le congédia Charles.
    Comme Émile saluait et s’apprêtait à rejoindre son minuscule bureau, le frère du roi le retint :
    — Ah… rédigez une autre missive… de condoléances, dans laquelle vous trouverez habile manière de rappeler mon attachement, nos liens de famille et mon impatience à me savoir bientôt grand-père, impatience dont je suis bien certain qu’il la partage. Usez avec libéralité de formules de courtoise affection en insistant sur mon chagrin devant cette injuste et inattendue malmort.
    — Et le destinataire… ?
    — Quelle buse vous faites ! s’emporta Valois. Arthur, sans doute Arthur II, le père d’alliance de ma fille, prochain duc de Bretagne et comte de Richmond, bref, le fils aîné de feu Jean II, qui d’autre ? Certes pas votre grand-mère !
    — Votre pardon, monseigneur, je suis bien sot et le déplore.
    — Allez. Allez, allez ! J’attends vos brouillons afin de les modifier, le cas échéant.

    Quelques heures plus tard, Mgr de Valois ayant changé deux mots de ses lettres en adoptant un air agacé, Émile Chappe fonça chez messire de Nogaret, profitant du fait que la frugalité du conseiller l’encourageait à se restaurer d’une soupe, de quelques fruits secs et d’un morceau de pain dans sa salle, tout en travaillant. Au contraire, Valois devait être attablé à cette heure devant une mangerie de glouton.
    Une prune sèche grignotée entre les doigts, messire de Nogaret écouta Émile avec attention, son regard dépourvu de cils ne le quittant pas un instant.
    — J’ai reçu identique missive, peu avant monseigneur frère du roi. Voyez-vous, Émile, la politique est usante. Vous manœuvrez durant des lustres pour façonner et consolider une alliance et un mur s’effondre, anéantissant des années d’efforts. Enfin, du moins ce stupide mur aura-t-il préservé le pape que nous avons œuvré, durant des années, à faire élire. Assoyez-vous.
    Ému d’être ainsi invité, et surtout que messire de Nogaret lui parle à l’instar d’un égal, Émile se permit :
    — Abritez-vous, messire, et avec mon respect, des inquiétudes sur… la tendresse d’Arthur, fils de Jean II, qui lui succédera, à l’égard du royaume de France et de notre roi ?
    — Non pas, mais… Vous souvenez-vous que j’avais insisté sur l’absolue discrétion et fidélité que j’exigeais de mes acolytes ?
    — Si fait, je ne l’oublie pas une seconde, messire, sur mon honneur.
    — Bien. Arthur a réputation d’homme paisible, agréable et bon gestionnaire. Du moins en ce qui nous concerne, et quoi de plus important ? Jean était très… impressionné par notre roi

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