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Le Brasier de Justice

Le Brasier de Justice

Titel: Le Brasier de Justice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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savait assez fine et de souple échine pour s’en accommoder, d’autant qu’Hardouin, en dépit de sa courtoisie, ne tolérerait jamais qu’une donzelle nouvelle venue s’en prît à elle. Bernadine s’imaginait déjà courant derrière de charmants garnements qui, dans son esprit, ressemblaient tous à leur père. Il fallait que cette vaste et belle demeure, si silencieuse qu’elle paraissait muette, résonne de rires, de cris et, pourquoi pas, de chagrins d’enfants vite oubliés. La damoiselle habitait-elle Nogent, expliquant l’excellente humeur de son maître lorsqu’il avait dévalé l’escalier et ordonné que l’on sellât Fringant ? À l’instar de beaucoup de femmes, même vieillissantes, Bernadine n’aimait rien tant qu’une jolie histoire d’amour.
    Alors qu’elle vérifiait le contenu de la bougette d’Hardouin pour s’assurer qu’il n’y manquait ni en-cas de bouche, ni une boutille de cidre, ni une touaille propre, ni une fiole d’essence de thym dans l’éventualité où il s’égratignerait, elle se posait mille questions, toutes plus réjouissantes et inutiles les unes que les autres : Était-elle jolie ? Sans doute. Blonde ou plutôt brune ? Élancée 2 , à l’évidence. Joyeuse et bienveillante, de cela Bernadine était certaine, car Hardouin n’eût pas apprécié une femme acariâtre et dépourvue de bonté. De belle naissance ? Aussitôt l’humeur de la servante s’assombrit. Non pas. Fille de bourreau et de bourrelle, il ne pouvait en être autre. Bah, qu’importaient ceux qui les méprisaient ? Ils vivaient bien entre eux, sachant que l’entraide constituait leur plus efficace arme contre l’extérieur.

    Hardouin surgit dans la cuisine, escorté du berger qui le regardait avec dévotion, et lança :
    — Bernadine, je ferai un détour par Bellême et ne rejoindrai Nogent qu’au soir tombant. Je ne sais combien de temps j’y demeurerai. Pour le cas où tu devrais me faire porter un message.
    — Bien, mon maître. Bon voyage, bon séjour. Surtout, revenez-nous en belle forme.
    1 - L’origine du terme fait débat. Il semble qu’à l’époque il résultait plutôt de la contraction de « si cela m’agrée », et qu’il ne fut mis en relation avec « singe » que plus tard.

    2 - On était mince au Moyen Âge et cette caractéristique faisait partie de la définition du beau, notamment pour les femmes. Cette minceur était bien sûr le résultat des conditions de confort, de chauffage, etc., presque inexistantes, mais également d’une disponibilité alimentaire plus que modeste, même pour les classes aisées. Si la minceur était prisée, la maigreur renvoyait à l’idée de pauvreté et de maladie.

XXXVIII
    Forêt de Bellême, novembre 1305
    A delin d’Estrevers, grand bailli d’épée, était arrivé en avance au lieu de rendez-vous.
    D’humeur aigre, il ressassait la teneur de son bref entretien avec Mgr de Valois, entretien que celui-ci lui avait imposé à l’extérieur, dans le froid bruineux d’une ruelle située à quelques toises de la citadelle du Louvre, au prétexte qu’il se méfiait de l’un de ses secrétaires qui ne ferait pas long feu dans son entourage s’il parvenait à une certitude sur l’emploi d’espion de celui-ci pour le compte de messire de Nogaret. Estrevers n’avait pas été étonné par cette exigence.
    Outre le fait que tous ceux qui gravitaient autour du roi s’épiaient, sans oublier leurs ombres, messire de Nogaret et Mgr de Valois préservaient un statu quo tacite. Valois piochait allègrement dans le Trésor, menait les armées du roi, parfois avec succès, et Nogaret œuvrait le plus souvent de derrière la tenture pour diriger le royaume et protéger le souverain. Un arrangement finalement assez satisfaisant pour chacun, ce qui ne les empêchait pas l’un et l’autre d’engranger des informations pouvant un jour servir à discréditer l’adversaire. Encore fallait-il que ces bribes de tout et de rien fussent collectées en habileté.
    Si ledit secrétaire s’était déjà fait repérer par Valois, dont la finesse politique n’était certes pas la vertu cardinale, Estrevers ne donnait pas cher de sa peau. Une fâcheuse rencontre était si vite arrivée dans les faubourgs de Paris.

    Adelin d’Estrevers tira son épée et en martyrisa avec violence une branche basse d’arbre. Dieu du ciel, il était excédé ! La peste était des gens censés le seconder mais qui se révélaient

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