Le bûcher de Montségur
automatiquement aux mains du roi de France par droit d’héritage. Or, Raymond VII ne parvenait toujours pas à se séparer de sa femme, stérile depuis vingt ans : le pape se gardait bien d’autoriser un divorce qui nuisait aux desseins du roi de France. Pour complaire au pape, le comte sacrifia son alliance avec l’empereur (pas pour longtemps comme on le verra) et s’en trouva mieux armé pour procéder à l’annulation de son mariage, d’autant plus qu’il était soutenu par Jacques I er , neveu de la comtesse. Raymond prétendit avoir découvert, après vingt-cinq ans de mariage, que son père Raymond VI avait été un des parrains de la princesse Sancie, et qu’il se trouvait avoir épousé une filleule de son père. Il produisit des témoins et le mariage fut déclaré nul, à la grande indignation de l’évêque de Toulouse et au mécontentement, plus grand encore, d’Alphonse de Poitiers et de son épouse Jeanne, fille de Raymond VII.
Débarrassé de sa femme, le comte de Toulouse devenait un assez bon parti pour les filles des grands féodaux du Midi de la France. Raymond-Bérenger, comte de Provence (fils d’Alphonse, frère cadet de Pierre II d’Aragon), après s’être appuyé sur le roi de France pour se défendre contre les prétentions de l’empereur, songeait à présent à un moyen de se débarrasser de la tutelle des Français ; Raymond VII, après avoir fait, en 1239, la guerre au comte de Provence pour servir les intérêts de l’empereur, lui proposait la paix, faisant ainsi coup double : d’un côté il donnait satisfaction au pape, d’un autre côté il s’acquérait un allié dans sa lutte future contre le roi.
Raymond-Bérenger n’avait que des filles ; l’aînée était mariée à Louis IX, la cadette à Henri III d’Angleterre ; deux autres restaient à pourvoir. Pas plus que Raymond VII, le comte de Provence, ne tenait à voir le roi de France hériter ses domaines : dix ans de domination française dans le Carcassès et l’Albigeois avaient dû amplement édifier les seigneurs méridionaux sur le sort qui attendait leurs pays en cas de mainmise royale. Raymond-Bérenger élut pour son troisième gendre le comte de Toulouse, dans l’espoir de fonder, avec lui et son cousin Jacques I er d’Aragon, une ligue de barons du Midi assez puissante pour mettre en échec l’autorité royale. Pour Raymond VII, le mariage était une question vitale, puisque seul un héritier mâle pouvait (malgré les clauses du traité de Meaux) sauvegarder l’indépendance de sa terre.
Le comte avait, en 1241, quarante-quatre ans ; il n’y avait aucune raison de supposer qu’il n’aurait plus de descendants, et cette circonstance pouvait compromettre, pour la France, les avantages du traité de Meaux. Or, à moins d’aller chercher une fiancée au Danemark, aucun prince d’Europe ne pouvait se marier sans une dispense du Saint-Père, et les familles des grands barons du Midi étaient toutes unies entre elles par des liens de parenté : Raymond VII se trouvait être parent par alliance des filles de Raymond-Bérenger, son épouse répudiée étant (ironie du sort) grand-tante de ces jeunes princesses. La dispense ne semblait pas être difficile à obtenir et le roi Jacques I er d’Aragon représenta le comte de Toulouse à Aix, pour un mariage par procuration avec Sancie, troisième fille du comte de Provence. Ce mariage ne devait pas être consommé : Grégoire IX mourut le 21 août 1241, son successeur Célestin IV n’eut pas le temps de s’occuper de la dispense : son pontificat ne dura que quelques semaines ; après sa mort (octobre 1214), le siège pontifical resta vacant vingt mois et le comte de Provence (se disant sans doute que cette dispense qui tardait trop risquait de ne jamais venir) maria sa fille à Richard, frère du roi d’Angleterre.
Le comte de Toulouse n’eut plus qu’à se chercher un nouveau beau-père : il porta son choix sur la fille d’Hugues de Lusignan, comte de La Marche. Là aussi, une dispense était nécessaire : Marguerite de La Marche et Raymond VII étaient consanguins au quatrième degré, descendant tous deux de Louis VI le Gros. Cette dispense-là, pour d’autres raisons, ne sera pas obtenue non plus.
Hugues de Lusignan, suzerain du Poitou, poussé par sa femme Isabelle d’Angoulême, veuve de Jean sans Terre, se cherchait, lui aussi, des alliés contre le roi de France. En 1242, le jeune Louis IX vit se
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