Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le bûcher de Montségur

Le bûcher de Montségur

Titel: Le bûcher de Montségur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Zoé Oldenbourg
Vom Netzwerk:
Raymond d’Alfaro qui, en tant que baile du comte, les fit loger dans la maison qui appartenait au comte de Toulouse. Ils les reçut avec la joie que l’on devine, et nous savons déjà qu’il ne perdit pas de temps pour faire connaître leur arrivée à qui il fallait. De leur côté, les hommes de Montségur, après une bonne chevauchée (il y a soixante kilomètres à vol d’oiseau entre Avignonet et Montségur, et près de cent par la route), s’arrêtèrent à Gaja, où ils furent reçus dans la maison de Bernard de Saint-Martin ; là, ils furent rejoints par une autre troupe, composée de Pierre de Mazerolles, Jordan du Vilar et plusieurs sergents d’armes ; puis, au Mas Saintes Puelles, le chevalier Jordan du Mas se joignit à eux ; le secret n’avait plus besoin d’être bien gardé, le seul fait de savoir les inquisiteurs à portée de leurs armes changeait tous les hommes du pays en conjurés.
    Quand la troupe s’arrêta à la maison des lépreux, à la sortie d’Avignonet, un messager de Raymond d’Alfaro vint les trouver, demandant s’ils s’étaient munis de haches. Douze haches avaient été préparées, huit hommes de Gaja et quatre de Montségur avaient été choisis pour ouvrir la marche. Les conjurés furent conduits, à la nuit tombée, dans la ville, puis Raymond d’Alfaro, reçut lui-même les hommes d’armes « vêtu d’un pourpoint blanc », et les guida à la lueur des flambeaux à travers les couloirs de la maison, jusqu’à la porte derrière laquelle reposaient les inquisiteurs, Le baile était lui-même accompagné d’une quinzaine d’habitants d’Avignonet qui avaient, eux aussi, voulu se joindre au complot.
    La porte s’abattit sous les coups de hache, et les sept moines, réveillés en sursaut, et ne comprenant que trop bien dans quel piège ils étaient tombés, s’agenouillèrent pour entonner le Salve Regina ; on ne leur laissa pas le temps de le terminer, Raymond d’Alfaro se précipita en avant avec sa masse d’armes, répétant : « Va be, esta be » (C’est bien, c’est bien) et ses compagnons se disputaient tous l’honneur de frapper les premiers coups. Ce que dut être cette boucherie, on peut l’imaginer par le seul fait que plusieurs des conjurés se vantèrent plus tard d’avoir porté des coups mortels. Les crânes des moines furent fracassés par les haches et les massues, leurs corps transpercés par d’innombrables coups de lance et de poignard dont beaucoup ne frappèrent plus, sans doute, que des cadavres.
    Puis, ce fut le partage du butin : les registres des inquisiteurs, les quelques objets de valeur qu’ils emportaient dans leurs déplacements ; assez peu de chose : des livres, un chandelier, une boîte de gingembre, quelques pièces d’argent, des vêtements, des couvertures ; des scapulaires, des couteaux. À voir l’avidité avec laquelle ces hommes qui, sans être riches, n’étaient pas des miséreux, se précipitèrent sur ces objets de valeur somme toute médiocre, dans une pièce jonchée de cadavres défigurés et sanglants, on croit assister plutôt à une distribution de trophées qu’à une scène de pillage. Ceux des conjurés qui n’avaient pas participé au meurtre s’étaient joints aux autres, chacun voulait en avoir sa part.
    Puis, R. d’Alfaro fit distribuer aux conjurés des chandelles et des flambeaux, et la procession sortit de la ville pour rejoindre le reste de la troupe qui les attendait à la maison des lépreux. G. de Plaigne montait le « meilleur cheval » qui lui avait été promis : le palefroi de Raymond l’Écrivain. Le baile d’Avignonet prit congé de ses complices, en leur disant : « Tout a été bien fait. Allez en bonne fortune. » Puis, il rentra dans la ville pour crier l’appel aux armes. La retraite aux flambeaux qui annonçait la mort des inquisiteurs donnait le signal du soulèvement.
    Pierre-Roger de Mirepoix attendait ses hommes dans la forêt d’Antioche ; ils arrivèrent, amenant leur butin chargé sur leurs chevaux ; sept hommes (Pons de Capelle, P. Laurens, G. Laurens, P. de Mazerolles, P. Vidal, G. de La Ilhe, G. Acermat) se vantaient d’avoir porté les coups mortels aux deux inquisiteurs. Pierre-Roger, dès qu’il aperçut G. Acermat, lui cria : « Traître, où donc est la coupe d’Arnaud ? — Elle est brisée. — Et pourquoi ne m’en as-tu pas rapporté les morceaux ? Je les aurais réunis dans un cercle d’or et dans cette

Weitere Kostenlose Bücher