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Le bûcher de Montségur

Le bûcher de Montségur

Titel: Le bûcher de Montségur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Zoé Oldenbourg
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de faire percer un portail pareil a quelque chose d’insolite et de tout à fait contraire aux règles de l’architecture du moyen âge.
    Toutes ces considérations donneraient à penser que Montségur a bien été, soit à l’origine, soit plus tard, destiné à l’exercice d’un culte, et peut-être d’un culte solaire ; mais on ne voit pas quels auraient pu être le ou les personnages puissants qui auraient pu faire élever, entre le IX e et le XII e  siècle, cet édifice monumental pour y pratiquer une religion dont on ne retrouve pas de traces dans le pays. Les cathares, semble-t-il, ne vouaient pas de culte au soleil ; les manichéens anciens le faisaient, mais il est peu vraisemblable qu’une secte manichéenne ait pu subsister aussi longtemps dans cette région. Cependant, si des survivances de traditions manichéennes ont pu se maintenir dans ces lieux reculés et peu fréquentés, elles ont pu y favoriser la diffusion du catharisme, et Montségur aurait ainsi bénéficié de la faveur des hérétiques en tant que lieu de refuge de leurs ancêtres dans la foi. Ils ne devaient guère y attacher d’importance avant 1204, puisque le château tombait en ruines et était abandonné ; mais des parfaites y avaient déjà une « maison », comme elles en avaient du reste dans d’autres endroits montagneux et isolés : elles pouvaient avoir choisi ce site pour sa beauté et son silence. Il est fort probable qu’une tradition locale ait accordé une certaine importance au château de Montségur, et l’ait considéré comme un vestige laissé par les « bons chrétiens » d’autrefois. Car, comme nous l’avons vu, les cathares ne se regardaient nullement comme des novateurs, mais comme des gardiens d’une tradition plus ancienne que le catholicisme.
    En 1233, Montségur commençait à apparaître aux catholiques comme la « Synagogue de Satan » – terme emprunté au vocabulaire cathare qui désignait sous ce vocable l’Église romaine. Menacée de mort violente l’Église cathare du Languedoc se serait créé spontanément une capitale terrestre dont le rayonnement pût faire contrepoids à l’ombre de plus en plus dense que Rome projetait sur le pays ; et, à l’heure où tant de croyants étaient envoyés, à travers toute l’Europe, vers des lieux de pèlerinage catholiques par mesure de contrôle policier, leurs chefs spirituels dressaient pour eux dans les Pyrénées un lieu saint dont la noblesse pût contrebalancer les splendeurs de Rome, de Saint-Jacques-de-Compostelle, de Notre-Dame du Puy et de Notre-Dame de Chartres.
    Le règne de Montségur fut bref. Il n’en constitue pas moins la tentative la plus marquante de l’Église cathare pour s’imposer dans le Languedoc en tant qu’Église nationale. L’Inquisition à elle seule n’aurait peut-être pas eu raison de Montségur, et ce lieu, qui était si rapidement devenu, pour un peuple humilié et traqué, le symbole de tous les espoirs, aurait peut-être pu avoir une influence durable sur l’histoire du Languedoc ; mais la citadelle cathare ne devait entrer dans la légende que mutilée et désertée. De la vie intense dont elle avait été le centre, il reste si peu de traces que les hommes, sans doute admirables et héroïques, qui l’ont habitée, sont moins vivants pour nous que les flammes de leur bûcher.
III – LA RÉVOLTE ET L’ÉCHEC DE Raymond VII
    Pierre Seila et Guillaume Arnaud dans le diocèse de Toulouse, Arnaud Cathala et Frère Ferrier sur les territoires du roi continuaient leur tâche avec une ténacité exemplaire, malgré la résistance sourde que leur opposait la population du Languedoc. La révolte couvait : elle éclata, une première fois, en 1240 : en avril de cette année Raymond Trencavel, à la tête d’une armée composée de faidits , d’exilés et de soldats aragonais et catalans, traversait les monts et, par la vallée de l’Aude, avançait dans le Carcassès. Olivier de Termes soulevait les Corbières et Jourdain de Saissac prenait les armes dans le Fenouillèdes.
    Accueillis comme des libérateurs à Limoux, Alet et Montréal, les seigneurs occitans sont en quelques semaines maîtres de tout le pays. Pépieux, Alzille, Laure, Rieux, Caunes, Minerve ouvrent leurs portes ; Montoulieu, ayant résisté, est pris d’assaut et la garnison massacrée.
    Carcassonne, où le sénéchal Guillaume des Ormes s’est enfermé avec l’archevêque Pierre-Amiel et l’évêque de Toulouse,

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