Le bûcher de Montségur
former contre lui une ligue où prenaient part (plus ou moins directement) le duc de Bretagne Pierre Mauclerc, le comte de Toulouse, le comte de La Marche, le comte de Provence, soutenus d’un côté par le roi d’Angleterre Henri III, d’autre part par Jacques I er d’Aragon. La coalition, en apparence puissante, n’était ni assez unie ni assez organisée pour mettre en échec la jeune et combative monarchie française. Nous avons vu que sur le plan militaire les Français du Nord avaient sur les Méridionaux une incontestable supériorité ; et la défaite rapide de Raymond Trencavel avait montré qu’en pays ennemi et avec des troupes numériquement faibles les Français finissaient toujours par avoir le dessus. L’espoir de Raymond VII : encercler les domaines du roi et frapper l’adversaire sur plusieurs fronts en même temps, eût pu se réaliser si tous ses alliés avaient été aussi désireux que lui de faire la guerre au roi de France.
Mais le plus intéressé de tous, le comte de Toulouse, était aussi le plus faible, avec les garnisons royales à quelques dizaines de kilomètres de sa capitale, ses places fortes démantelées, et le contrôle incessant que l’autorité royale et l’Église ne cessaient d’exercer sur lui. Passant de Provence en Poitou, du Poitou en Espagne, Raymond VII avait consacré les années 1240-1242 à une intense activité diplomatique, en prenant du reste toutes les précautions pour ne pas éveiller les soupçons de Blanche de Castille : les 19 et 26 avril 1241, il signait avec le roi d’Aragon un traité d’alliance qui avait pour objet la défense de l’orthodoxie catholique et du Saint-Siège. Puis, il conclut une alliance offensive et défensive avec Hugues de Lusignan. Ensuite, il obtint l’adhésion des rois de Navarre, de Castille et d’Aragon, puis de Frédéric II. On ne peut dire que Raymond VII ait manqué de bonne volonté, ni même d’habileté ; mais son sort, à présent, dépendait beaucoup moins de lui que de ses alliés, et pour eux la défaite de la France n’était pas d’un intérêt vital.
De retour d’Aragon et en chemin vers le Poitou, le comte tomba malade à Penne en Agenais, si gravement qu’on le crut à la mort (14 mars 1242). Cette maladie tombait assez mal : le comte de La Marche n’attendit pas le rétablissement de son allié pour dénoncer le lien de vassalité qui le liait aux rois de France. À peine rétabli, Raymond VII convoqua en hâte ses vassaux, au début d’avril, pour s’assurer de leur fidélité ; tous jurèrent de le soutenir jusqu’à bout : Bernard comte d’Armagnac, Bernard comte de Comminges, Hugues comte de Rodez, Roger IV comte de Foix, les vicomtes de Narbonne, de Lautrec, de Lomagne, etc., s’engagèrent à aider le comte dans sa lutte contre le roi de France. C’était la déclaration de guerre.
Le jeune Louis IX, ne perdant pas de temps, se précipite avec son armée en Saintonge, où il écrase les troupes du comte de La Marche. La guerre débutait mal. Comptant sur la force du roi d’Angleterre et de ses autres alliés, Raymond VII ne songea pas à reculer : il savait qu’une deuxième occasion ne se représenterait pas. Mais la rapidité de la décision royale avait déjà compromis le succès de l’entreprise ; et les vassaux du comte, toujours prêts à se battre pour leurs propres terres, ne tenaient pas à voler au secours d’Hugues de Lusignan.
Dans le peuple, la révolte, qui couvait comme un feu sous la cendre, flamba brusquement à la nouvelle de la guerre qui se préparait. Le signal en fut donné par le massacre d’Avignonet.
D’après les dépositions de témoins qui ont participé de près à l’affaire, ce massacre fut décidé à l’instigation directe du comte de Toulouse. Voici le récit que Fays de Plaigne, femme de Guillaume de Plaigne, fit aux inquisiteurs : « Guillaume et Pierre-Raymond de Plaigne, deux chevaliers de la garnison de Montségur, se trouvaient au château de Bram lorsqu’un certain Jordanet du Mas arriva pour dire à Guillaume que Raymond d’Alfaro l’attendait dans la forêt d’Antioche. R. d’Alfaro était viguier de Raymond VII et baile du château d’Avignonet. G. de Plaigne rencontra R. D’Alfaro au lieu indiqué, et le baile, après lui avait fait jurer le secret, lui dit : “Mon maître le comte de Toulouse ne peut pas se déplacer, non plus que Pierre de Mazerolles ou les autres chevaliers disponibles.
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