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Le bûcher de Montségur

Le bûcher de Montségur

Titel: Le bûcher de Montségur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Zoé Oldenbourg
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communauté vivait toujours un certain nombre de personnes désireuses de recevoir l’Esprit et dont la vie était consacrée à l’étude de l’enseignement de l’Église et à la prière ; ceux-là, jeunes gens confiés aux parfaits par leurs parents souvent depuis la plus tendre enfance, ou convertis de tout âge, bien que non encore « consolés », n’entraient plus dans la catégorie des simples croyants. Il y avait aussi les croyants qui, tout en vivant dans le monde, observaient déjà une partie des règles imposées aux parfaits : la chasteté, le jeûne, la prière. Il y avait également – et c’était la majorité – ceux qui vivaient comme tout le monde et se contentaient d’assister au culte et de vénérer les bons hommes.
    Ceux-là n’étaient, en théorie, soumis qu’à l’obligation de faire leur melioramentum ou vénération devant les bons hommes, cérémonie très simple qui consistait à s’incliner trois fois devant le parfait et de lui dire : « Priez Dieu pour qu’il fasse de moi un bon chrétien et qu’il m’accorde une bonne mort. » Le parfait bénissait le croyant et disait : « Que Dieu fasse de toi un bon chrétien et qu’il te mène à une bonne mort. » Le croyant n’avait pas d’autre obligation religieuse et pouvait même, par prudence, continuer à fréquenter les églises catholiques. Les croyants étaient des gens qui n’allaient plus à l’église, ou n’y allaient que par crainte ou par coutume. Et comme nous avons pu le voir, dans bien des paroisses ils n’avaient même pas besoin de le faire.
    Ceux qui avaient une foi sincère, s’ils n’avaient pas de part au sacrement, faisaient régulièrement – en général une fois par mois – leur aparelhamentum ou mise au point : ils devaient faire publiquement l’aveu de leurs péchés et demander le pardon de Dieu. Ce n’était pas une véritable confession publique, mais une espèce d’acte de contrition rédigé en termes assez généraux pour comprendre tous les péchés, surtout ceux de paresse et de négligence à accomplir la volonté de Dieu. Le parfait officiant remet aux croyants leurs péchés et leur impose une pénitence faite de jeûnes et de prières. Les cathares prient beaucoup, mais leur prière consiste surtout à répéter le Pater en langue occitane (avec les mots « pain suprasubstantiel » pour « pain quotidien ») et à méditer sur les commentaires de l’oraison dominicale. Il existe des prières cathares 24 , mais la vraie, la grande, la seule prière, celle qui est le centre du culte et la nourriture quotidienne du parfait comme du croyant, est toujours le Pater.
    On voit donc que la vie du croyant cathare, malgré la non-participation aux sacrements, était une vie religieuse réelle, plus intense même, plus profonde que ne pouvait l’être la vie religieuse de la majorité des catholiques, grâce au simple fait que l’Église cathare était, sinon persécutée, du moins illégale et encore à moitié clandestine. Il est vrai que dans beaucoup de régions, elle ne l’était même plus ; à l’époque de la Croisade, un grand nombre de personnes avait déjà dû se convertir au catharisme pour faire comme tout le monde et par intérêt. Mais la nouvelle Église gardait encore tout son caractère d’Église persécutée. L’homme qui se faisait hérétique par conviction pouvait retremper sa foi dans le souvenir de bûchers encore récents. À la fin du xii e   siècle, la communauté cathare dispose de biens importants : non seulement les parfaits – hommes de milieux aisés pour la plupart – lui font abandon de leurs biens, mais beaucoup de croyants lèguent à leur lit de mort toute leur fortune à l’Église nouvelle ; beaucoup de croyants riches et puissants font des donations aux bons hommes, et pas seulement des dons en argent, mais des terres, des maisons, des châteaux. Malgré la règle de pauvreté absolue qu’ils se sont imposée et dont ils ne dérogent pas, les parfaits acceptent tous les dons, qu’ils font administrer dans l’intérêt de leur Église. On les accuse même déjà de rapacité et d’avarice (leurs ennemis le font, du moins, leurs amis pas encore). C’est qu’en dehors des secours d’urgence aux pauvres, les communautés cathares doivent entretenir leurs « maisons », qui sont à la fois écoles, monastères et hôpitaux ; ils fondent en outre des communautés ouvrières, en particulier de grands ateliers

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