Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le bûcher de Montségur

Le bûcher de Montségur

Titel: Le bûcher de Montségur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Zoé Oldenbourg
Vom Netzwerk:
guerre qu’un pays épuisé, saigné à blanc, ne pouvait plus soutenir.
    Pour réparer ses pertes le Languedoc aurait eu besoin de vingt, de trente ans de paix. Il ne lui fut laissé qu’un répit de trois ans à peine. Et ce n’était même pas un répit, car la perspective d’une nouvelle croisade était suspendue au-dessus de sa tête en permanence et, dès le début de 1225 (même pas un an après le départ d’Amaury), le pape Honorius III presse énergiquement le roi de France pour l’engager à se croiser. Les négociations qui ont lieu entre le roi et le pape font traîner en longueur les préparatifs de la croisade, mais ne sont plus guère que des marchandages par lesquels les deux alliés cherchent à délimiter leurs zones d’influence et où chacun veut obtenir de l’autre des promesses et des garanties pour l’avenir. Mais tous deux savent que l’œuvre si bien commencé doit être menée à bonne fin, et rapidement, avant que l’adversaire ait eu le temps de reprendre des forces.
    Aux appels du pape le roi répond en posant des conditions : il demande des indulgences plénières pour ses croisés, exige l’excommunication pour tous ceux qui attaqueraient ses domaines en son absence, et même pour tous ceux qui refuseraient de le suivre ou de le soutenir financièrement ; il demande à l’Église des subsides de soixante mille livres par an, pour une période de dix ans ; le pape devra nommer légat l’archevêque de Bourges et, enfin, déposséder solennellement et définitivement les comtes de Toulouse et les Trencavel, et confirmer le roi dans la possession de leurs domaines.
    Le pape hésite, se disant sans doute que le roi ne songe qu’à agrandir ses domaines aux frais de l’Église ; un comte de Toulouse affaibli, d’ailleurs excommunié et sans cesse menacé à la fois par le roi et par l’Église, pourrait peut-être mieux faire le jeu de la papauté qu’un roi de France trop puissant : ce en quoi le pape ne se trompait pas ; et si, pour l’Église, un roi de France tel que saint Louis devait être une chance inespérée, son petit-fils Philippe le Bel fera voir, à Anagni, qu’une France trop forte et trop centralisée ne se soucie pas de rester éternellement le « soldat de Dieu ». Ce danger-là, si Honorius III le prévoyait, était moins imminent que celui de l’hérésie renaissante. Préoccupé d’ailleurs par le sort de la Terre Sainte, et ne voulant pas risquer d’immobiliser dans le Languedoc toute la chevalerie française disponible, le pape ne perd pas de vue le but véritable de la croisade albigeoise : il tente de forcer le comte Raymond à persécuter lui-même les hérétiques, en faisant peser sur lui la menace d’une nouvelle invasion française.
    Le roi de son côté, voyant le pape disposé à traiter avec Raymond, déclare qu’en ce cas cette affaire d’hérésie ne le concerne plus. Le comte, reconnaissant, cherche à prouver sa bonne volonté au Saint-Siège et jure au concile de Montpellier (août 1224) de poursuivre les hérétiques, de chasser les routiers et de dédommager les églises spoliées ainsi que le comte de Montfort, si toutefois celui-ci s’engage à renoncer à ses prétentions.
    Peu satisfait sans doute par les promesses de Raymond, et craignant de mécontenter le roi de France, le pape fait traîner les négociations, et finit par convoquer un concile, qui se tiendra à Bourges, et où les arguments des deux prétendants au comté de Toulouse seront entendus par une assemblée de représentants de l’Église ; le 30 novembre 1225, quatorze archevêques, cent treize évêques et cent cinquante abbés de toutes les provinces de la France du Nord et du Midi se réunissent à Bourges ; il est clair qu’un jury composé de prélats ne pouvait donner raison à Raymond VII, excommunié et suspect de favoriser l’hérésie ; sa cause était donc perdue d’avance.
    Présidé par le nouveau cardinal-légat, Romain de Saint-Ange, le concile se contenta de recueillir les dossiers des deux parties, et de renvoyer le comte de Toulouse en remettant la décision à une date ultérieure. Comme au temps où les légats refusaient d’entendre les justifications de Raymond VI, les prélats du concile de Bourges ne cherchaient qu’un moyen légal de condamner le comte sans l’entendre ; il ne fallait pas lui permettre de donner publiquement les garanties que l’Église exigeait de lui, et qu’il était tout prêt à

Weitere Kostenlose Bücher