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Le bûcher de Montségur

Le bûcher de Montségur

Titel: Le bûcher de Montségur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Zoé Oldenbourg
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prend la ville, où un massacre terrible a lieu. Si la garnison et son chef Centulle, comte d’Astarac, sont épargnés (car on pense les échanger contre des prisonniers français), les vainqueurs s’acharnent sur la population civile : «… on court vers la ville avec des armes tranchantes, et alors commencent le massacre et l’effroyable boucherie. Les barons, les dames, les petits enfants, les hommes, les femmes, dépouillés et nus, sont passés au fil de l’épée. Les chairs, le sang, les cervelles, les troncs, les membres, les corps ouverts et pourfendus, les foies, les cœurs, mis en morceaux, brisés, gisent par les places comme s’il en avait plu. Du sang répandu, la terre, le sol, la rive sont rougis. Il ne reste homme ni femme jeune ou vieux : aucune créature n’échappe à moins de s’être tenue cachée. La ville est détruite, le feu l’embrase 129 . »
    L’auteur de la Chanson estime que la majorité de la population de la ville fut massacrée. Guillaume Le Breton reconnaît, de son côté, qu’on a tué à Marmande « tous les bourgeois avec les femmes et les petits enfants, tous les habitants jusqu’au nombre de 5 000 130 . »
    On a pu voir dans ce massacre, exécuté de sang-froid (puisqu’il fut précédé d’une longue délibération au sujet du sort de la garnison), un effet de la colère d’Amaury, désireux de venger son père. C’était, plus probablement, une répétition consciente du massacre de Béziers qui, en terrorisant les populations, avait donné de si heureux résultats. Il est assez singulier de voir évêques et barons discuter sur le « déshonneur » qu’ils s’attireraient en mettant à mort des soldats, et lâcher ensuite leurs troupes sur des bourgeois sans défense, des femmes et des enfants. Il semble que (pour les chevaliers du Nord plus que pour ceux du Midi) les bourgeois aient été des êtres de race inférieure et dont le massacre tirait à peine à conséquence. Le pieux prince Louis ne fit rien pour empêcher cette odieuse manœuvre d’intimidation. Mais, de leur côté, les peuples du Languedoc, aguerris par dix ans de croisades, se gardèrent bien d’y répondre, comme ils le firent après Béziers, par des capitulations en masse. Le pays était depuis longtemps habitué à la terreur.
    Lorsque après ce sanglant exploit, l’armée royale marche sur Toulouse, elle trouva une ville fortifiée et organisée pour la défense. Raymond VII s’y était enfermé avec mille chevaliers. Devant le danger, il fit un appel au peuple et fit exposer sous la voûte de la cathédrale les reliques de saint Exupère 131   ; pour la troisième fois le peuple de Toulouse se préparait au siège dans l’enthousiasme.
    Le siège, commencé le 16 juin 1219, est levé le 1 er  août ; la grande armée du prince Louis, après avoir complètement investi et isolé la ville et donné de vigoureux assauts, constate que les assiégés ne sont nullement décidés à capituler. Venu dans le pays pour y semer la crainte due au prestige de la puissance royale, le prince comprend qu’il a affaire à forte partie et préfère, comme l’ont fait les troupes des croisés des premières années de la guerre, laisser Amaury de Montfort se maintenir dans le pays à ses risques et périls. Sa quarantaine à peine terminée, Louis lève le siège, en abandonnant ses machines de guerre.
    Ce brusque départ surprit les contemporains, qui l’ont attribué à une trahison des chevaliers français, ou à une entente secrète entre le prince et Raymond VII, ou encore à un calcul perfide de Louis qui, convoitant le pays de Toulouse pour lui-même, n’avait pas intérêt à le reconquérir au profit d’Amaury. Dans tous les cas, c’était la couronne de France qui subissait, par ce nouveau triomphe de Toulouse, un échec éclatant. La gloire du jeune comte ne cesse de grandir, et c’est à présent la noblesse du Midi qui fait la chasse aux barons du Nord installés sur ses terres, les dépossède de leurs domaines, leur retire les titres qu’ils avaient usurpés.
    Ces barons, que Simon de Montfort avait placés dans les châteaux et places fortes conquis par lui pour s’assurer de leur fidélité, n’étaient pas, il faut le croire, de zélés serviteurs de la foi, car le catholique Guillaume de Puylaurens les dépeint ainsi : « Au demeurant, on ne doit ni ne peut raconter à quelles infamies ils se livraient (les serviteurs de Dieu) ; la plupart avaient

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