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Le bûcher de Montségur

Le bûcher de Montségur

Titel: Le bûcher de Montségur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Zoé Oldenbourg
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des concubines et les entretenaient publiquement ; ils enlevaient de vive force les femmes d’autrui et commettaient impudemment ces méfaits et mille autres de ce genre. Or, ce n’était pas, bien sûr, dans l’esprit qui les avait amenés qu’ils agissaient ainsi, la fin ne répondait pas au commencement 132 .  » Deux chevaliers, les frères Foucaut et Jean de Berzy (que, d’après la Chanson , Amaury et le prince Louis tenaient pour si précieux qu’ils avaient épargné la garnison de Marmande pour pouvoir les libérer), étaient de véritables bandits, connus à la fois pour leur avarice et leur cruauté : Guillaume de Puylaurens affirme qu’ils mettaient à mort tous les prisonniers qui ne pouvaient leur payer cent sous d’or (somme exorbitante) et avaient une fois forcé un père à pendre son propre fils. Faits prisonniers par Raymond VII, ils furent décapités.
    La garnison française de Lavaur est massacrée ; Guy, le frère d’Amaury, est blessé et meurt prisonnier, et malgré les efforts du pape qui somme les comtes (le jeune Raymond et le comte de Foix) de se soumettre, les Français ne subissent plus que des revers. Alain de Roucy, le meurtrier du roi d’Aragon, est tué dans le château de Montréal qu’il tenait de Montfort. Les renforts amenés à Amaury par les évêques de Clermont et de Limoges et l’archevêque de Bourges n’empêchent pas Raymond VII de se soumettre entièrement l’Agenais et le Quercy. Amaury ne tient plus que dans le Sud où Narbonne et Carcassonne lui restent encore fidèles.
    Le roi de France, malgré les demandes réitérées du pape, refuse de s’occuper de cette affaire. L’échec de son fils l’a découragé, comme il a découragé les grands barons français, et l’exemple de Simon de Montfort donnait à réfléchir à tous ceux qui pouvaient être poussés vers le Languedoc par un désir de conquêtes. Le jeune comte triomphait et redevenait, dans l’esprit de tous, le cousin, le neveu et le pair de la plupart des potentats – couronnés ou non – de l’Occident. Il fait, auprès du roi de France, des démarches en vue d’obtenir sa réconciliation avec l’Église, et lui offre son serment de vassal pour une terre que le roi avait, cinq ans plus tôt, accordée aux Montfort.
    On ne sait ce que Philippe Auguste eût finalement décidé au sujet de ce vassal dépossédé par l’Église ; Amaury de Montfort, voyant la partie perdue, lui avait offert ses domaines et le roi avait décliné cette offre : il préférait sans doute laisser les deux rivaux s’épuiser dans une guerre dont il n’aurait pas à faire les frais.
    En août 1222, le vieux comte de Toulouse mourait à l’âge de soixante-six ans. Cet homme qui fut, sinon la cause, du moins le prétexte de la croisade, cet homme calomnié, humilié, traqué, spolié, haï par l’Église, vénéré de ses sujets, revenu en triomphe après la défaite la plus totale et accueilli comme un sauveur par son pays au moment où il ne possédait plus rien, ce souverain légitime dépouillé par l’Église et le roi et rétabli dans ses droits par la volonté du peuple, a pu croire, en mourant, que sa cause avait triomphé. Son fils, auquel il avait eu l’habileté de céder sa place, du moins officiellement, était déjà le chef du pays et pouvait continuer son œuvre ; l’élimination d’Amaury de Montfort n’était plus qu’une question de temps ; le Languedoc retrouvait, avec sa liberté, une union nationale qu’il n’avait jamais connue avant la croisade, et les comtes de Toulouse s’étaient acquis une popularité dont autrefois ils n’avaient jamais rêvé.
    Cependant, le comte mourait excommunié, et malgré son désir et ses prières, il fut privé, à son lit de mort, des derniers sacrements. Son testament, ainsi que tous les témoignages (produits lors de l’enquête ordonnée par son fils) attestent qu’il est mort dans la foi catholique ; il était affilié à l’ordre des Chevaliers de l’Hôpital, et avait exprimé le vœu d’être enterré dans l’hôpital de Saint-Jean-de-Jérusalem, édifice appartenant à cet ordre.
    Si sa mort fut assombrie par la douleur d’être privé des secours de la religion. Son corps, après sa mort, devait subir jusqu’au bout des humiliations réservées aux excommuniés : privé de sépulture en terre consacrée, le cadavre resta pendant des années enfermé dans un cercueil abandonné dans le jardin près du

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