Le bûcher de Montségur
Beaucaire, Narbonne, Termes, Arles, Tarascon et Orange. Cette liste est assez éloquente en elle-même : la terreur seule pouvait provoquer cette grêle de soumissions spontanées ; ces villes où les Français étaient haïs, et qui étaient farouchement jalouses de leur indépendance ne pouvaient avoir la moindre envie de se placer à l’ombre des ailes du roi. Elles se souvenaient de Béziers et de Marmande.
Le comte de Toulouse, loin de se soumettre, rassemble ses vassaux les plus fidèles et en premier lieu Roger-Bernard de Foix et Raymond Trencavel, et appelle à son aide son cousin germain Henri III d’Angleterre, et Hugues X de Lusignan comte de La Marche, au fils duquel il projette de marier sa fille unique. Ce dernier n’ose marcher contre le roi de France, et Henri III, menacé d’excommunication par le pape, se contente d’ébaucher un projet d’alliance. En fait, Raymond VII ne peut guère compter que sur Toulouse et sur une armée assez faible par suite de la défection d’un grand nombre de barons. Il compte aussi sur le temps qui lui ramènera ses sujets, le premier moment de terreur passé.
L’armée royale s’arrête devant Avignon qui, après avoir protesté de son obéissance, lui refuse le passage ; le 10 juin, le roi, « pour venger l’injure faite à l’armée du Christ », prête le serment de ne pas bouger de place avant d’avoir pris la ville et fait dresser les machines de guerre. Le premier effroi passé, Avignon est décidée à tenir. De plus, ville d’Empire, elle n’entend pas se laisser faire la loi par le roi de France. Les murs de la ville sont solides et défendus par une milice nombreuse et une forte garnison de routiers. Avignon se défendit si énergiquement que pendant deux mois on put hésiter sur l’issue de la guerre. Mais pendant que ses soldats étaient exposés à la faim, aux épidémies, aux flèches et aux boulets des assiégés et aux attaques des armées du comte de Toulouse qui harcelaient les arrières de l’armée royale, le roi recevait les députations des seigneurs et des villes du Midi que la présence des croisés et la crainte de nouveaux massacres incitaient à la soumission. Les prélats, en particulier Foulques et le nouvel archevêque de Narbonne, Pierre-Amiel, négociaient ces capitulations anticipées, promettant de la part du roi paix et clémence.
À Carcassonne, les consuls et le peuple, terrorisés, chassent le vicomte Raymond et le comte de Foix. Le comte de Provence vient devant Avignon assiégée solliciter la protection du roi. Narbonne, où le parti catholique fut toujours puissant ; Castres, Albi se rendent avant l’approche de l’armée royale. Et cependant Avignon tenait bon et ses défenseurs allaient même jusqu’à attaquer le camp du roi. Dans l’armée croisée le mécontentement grandissait, et des barons tels que le comte de Champagne et le duc de Bretagne manifestaient leur désir de rentrer dans leurs pays.
Thibaut de Champagne quitta le roi bien avant la fin du siège, sa quarantaine terminée. Mais la ville, bloquée, commençait à souffrir de la famine, et le légat Romain de Saint-Ange négocia la capitulation. Après trois mois de siège, Avignon se rendit et dut accepter les conditions du vainqueur ; livraison d’otages, destruction des remparts et des maisons fortifiées, lourdes contributions financières. Jamais encore cette grande cité libre, vassale de l’empereur et réputée imprenable, n’avait subi de traitement pareil.
Frédéric II devait d’ailleurs protester (assez inutilement) auprès du pape contre cette violation de ses droits. Le roi n’en tint pas compte et laissa dans là ville une garnison française. La capitulation d’Avignon fut un coup de chance pour l’armée royale : quelques jours après, une crue de la Durance noyait l’emplacement du camp croisé.
Une chance d’autant plus grande que les cités de l’Albigeois et du Carcassès, qui s’étaient contentées d’une soumission toute théorique tant que le roi était immobilisé devant Avignon, lui ouvrirent leurs portes, et acceptèrent sans discuter toutes ses conditions : la chute d’Avignon, une des plus grandes villes des Gaules, impressionna le pays presque autant que l’eût fait la chute de Toulouse.
Le roi occupe Beaucaire, puis toutes les grandes villes qui jalonnent la route vers Toulouse, de Béziers à Puylaurens, sans coup férir. Devant Toulouse, il s’arrête. La capitale du
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