Le bûcher de Montségur
avait déjà ses traditions, son organisation, ses ministres et ses martyrs.
Vers 1160, l’Église cathare de Cologne comptait des adeptes dans plusieurs villes du Sud de l’Allemagne, en particulier à Bonn, et malgré la condamnation et le martyre de ses chefs elle inspirait au chanoine Eckbert de Schönau les craintes les plus vives à cause du nombre de ses croyants. En Angleterre, les cathares semblent n’avoir eu guère de succès, et pourtant des missionnaires partis des Flandres y firent vers 1159 un assez grand nombre de néophytes pour provoquer l’inquiétude du clergé, qui d’ailleurs ne les condamna pas au bûcher mais les fit marquer au fer rouge et les chassa dans la campagne où, n’étant pas secourus par une population hostile, ils moururent de froid ; cependant, en 1210 encore, il y eut des cathares en Angleterre car l’un d’eux fut brûlé à Londres, et l’on prêche une croisade contre eux.
Dans les Flandres, les cathares étaient nombreux, et l’église cathare d’Arras était si puissante que l’évêque Frumoald, vers 1163, ne pouvait que s’en désoler sans essayer de la combattre, et en 1182 seulement les chefs de cette église furent jugés et brûlés. Mais les Flandres restèrent jusqu’aux temps de l’Inquisition un foyer d’hérésie.
En Champagne, les cathares comptaient plusieurs communautés secrètes mais activement recherchées par le clergé, durant la seconde moitié du XII e siècle et la première moitié du XIII e . Nous connaissons l’histoire de la jeune Rémoise qui paya de sa vie son attachement à la virginité ; si elle et la vieille qui l’instruisit furent les seules hérétiques découvertes à Reims, il ne s’ensuit pas qu’il n’en existait pas d’autres : ces femmes intrépides devaient être capables de garder le secret. Mais c’est à Montwimer (Mont-Aimé) qu’il y avait surtout, depuis 1140 environ, une grande communauté cathare, qui ne devait être découverte que sous l’Inquisition : elle devait être importante, puisque cent quatre-vingt-trois hérétiques y furent brûlés par l’inquisiteur Robert le Bougre.
Près de Vézelay, dans le comté de Nevers, en 1154, un méridional, Hugues de Saint-Pierre, fonda une communauté hérétique à tendances sociales mais indubitablement cathares d’inspiration, qui groupa les habitants de la région désireux de s’affranchir de la tyrannie des abbés de cette ville ; ils furent soutenus par le comte lui-même mais, convaincus d’hérésie, leurs chefs furent condamnés en 1167, ce qui n’empêche pas leurs doctrines de se répandre dans tout le Nivernais, ainsi qu’en Bourgogne où, dans la région de Besançon, ils s’attirèrent les sympathies du peuple à tel point que les prêtres qui les réfutaient risquaient d’être lapidés. Les deux chefs du mouvement furent convaincus d’hérésie par l’évêque et brûlés.
À la Charité-sur-Loire, l’évêque d’Auxerre, Hugues de Noyers, découvrit dès 1198 un foyer d’hérésie ; le doyen du chapitre de Nevers protégeait lui-même les doctrines cathares, et l’hérésie était puissante jusque dans les milieux ecclésiastiques. Terric, le chef de la communauté locale, fut brûlé en 1199, mais les progrès de la secte forcèrent tout de même le pape Innocent III à envoyer un légat avec mission spéciale pour enquêter dans le Nivernais, et en 1201 le chevalier Évrard de Châteauneuf, disciple de Terric, fut brûlé à Nevers, tandis que son neveu, le doyen du chapitre Guillaume, parvenait à fuir et se réfugiait dans le pays de Narbonne, où il allait devenir un des chefs de l’Église cathare du pays sous le nom de Théodoric (ou Thierry). En dépit de ces persécutions, le catharisme ne désarme pas et en 1207 la secte cathare de la Charité provoquait encore les foudres des évêques de Troyes et d’Auxerre. En 1223 le fameux inquisiteur Robert le Bougre recevait l’ordre du pape d’exterminer l’hérésie en cette région.
Dans la France du Nord, les communautés hérétiques étaient peu nombreuses, et contraintes à s’entourer de mystère, la majorité de la population étant hostile à l’hérésie. Cependant, le succès des mouvements de Vézelay, d’Arras, l’existence de colonies puissantes comme celle de Montwimer ou de la Charité, fait penser que les cathares étaient plus nombreux que les pouvoirs publics et l’Église ne le soupçonnaient. En France, le catharisme ne
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