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Le bûcher de Montségur

Le bûcher de Montségur

Titel: Le bûcher de Montségur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Zoé Oldenbourg
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représentait pas encore un danger sérieux pour l’Église au début du XIII e  siècle, les membres des diverses communautés ne pouvant former qu’une société occulte, donc assez peu combative. Il n’est pas certain que ce mouvement n’eût pas été capable de s’amplifier et de paraître au grand jour comme il l’avait fait en Italie et dans le Languedoc cinquante ans plus tôt, si l’Église n’avait pas concentré sur la lutte contre l’hérésie tous les efforts de sa politique extérieure et de son organisation interne. Si la France, le plus catholique des pays chrétiens, entretenait des foyers d’hérésie assez tenaces pour que la création d’une Église cathare de France ait été jugée nécessaire par les évêques (cathares) de Bulgarie et du Languedoc, c’est que dans les autres pays catholiques le catharisme songeait déjà à disputer à l’Église de Rome sa suprématie.
    De beaucoup la plus faible numériquement, l’Église cathare, à la fin du XII e  siècle, commençait déjà à se donner l’allure et les prérogatives d’une Église universelle ; son prestige moral était grand partout où elle avait quelque influence ; elle avait sa doctrine, que l’on retrouve (malgré quelques différences de détail) singulièrement stable et cohérente, toujours la même, au XI e comme au XIV e  siècle, en Bulgarie comme à Toulouse ou dans les Flandres, et cette unité de pensée est à elle seule une preuve de la force de cette Église. Elle avait son rituel immuable, sa hiérarchie, ses traditions, sa théologie, sa littérature, elle était déjà de taille à opposer son ordre à elle à l’ordre de l’Église établie.
    Nous avons vu le crédit dont elle jouissait dans le Languedoc ; ce ne serait pas sortir de notre sujet que de proposer un très bref aperçu de l’histoire des Églises cathares des autres pays où l’hérésie était déjà assez forte pour être officiellement ou officieusement reconnue. Seules la grandeur et la réalité du danger expliquent l’attitude de l’Église romaine, depuis la croisade et le concile de Latran jusqu’à l’établissement de l’Inquisition. On ne peut pas dire que la politique de tyrannie et d’oppression adoptée par l’Église ait été un simple abus de pouvoir ; si elle fut, à la longue, désastreuse pour l’Église elle-même, elle n’en correspondait pas moins à une nécessité vitale. En brûlant les hérétiques, Rome n’accablait pas un ennemi désarmé, elle se défendait contre un adversaire redoutable, qui avait sur elle l’immense avantage d’apparaître comme le champion de la liberté spirituelle. Pour peu qu’elle soit combative et organisée, une Église persécutée est toujours moralement plus forte qu’une Église établie ; Rome ne devait parvenir à détruire les cathares qu’en détruisant dans l’Église catholique une bonne partie de sa raison d’être. Sans doute eût-elle mieux défendu sa foi en cédant la place à l’ennemi et en rentrant dans les catacombes. Mais l’Église romaine, depuis longtemps, n’était plus seulement une Église, mais une caste, une classe sociale et une puissance politique.
    L’Église cathare n’était encore rien de tout cela : elle n’avait à défendre que des intérêts spirituels. Elle avait beau jeu, en attaquant Rome : dans beaucoup de pays catholiques l’Église romaine ne représentait ni une puissance civilisatrice, ni une tradition nationale, ni une protection contre l’anarchie féodale, mais une religion étrangère imposée de force par les pouvoirs publics.
    Les Slaves des Balkans et de Hongrie, chez lesquels le rite grec s’était déjà répandu grâce aux travaux des Bulgares Cyrille et Méthode (qui avaient traduit la liturgie et les Écritures en langue vulgaire), restaient pofondément hostiles au clergé catholique qui leur imposait le latin, et les moines des nombreux couvents qui existaient dans ces pays, au lieu d’être le soutien de l’Église, en étaient les adversaires les plus dangereux car, méprisés et opprimés par le clergé latin, plus proches des traditions populaires que de la culture imposée par Rome, ils avaient tendance à embrasser les doctrines hérétiques et à les répandre grâce à leur autorité de ministres du Christ. D’autre part, les évêques et prêtres catholiques étaient, dans les pays slaves, très peu nombreux, n’avaient aucune influence sur le peuple, et donnaient

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