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Le bûcher de Montségur

Le bûcher de Montségur

Titel: Le bûcher de Montségur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Zoé Oldenbourg
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de plus en plus à devenir une secte puissamment organisée, plutôt que la patrie spirituelle de tout homme comme elle prétendait l’être.
    Les grandes hérésies des premiers siècles avaient déjà enraciné en elle un profond esprit d’intolérance. Les grandes invasions, et les conversions en masse des barbares (certaines très tardives, comme celles des Saxons, des Scandinaves et des Slaves) avaient enrichi la chrétienté d’une masse hétéroclite de peuples encore à demi païens, qui en adorant le Christ et les saints les distinguaient assez mal de leurs divinités anciennes. L’Islam avait conquis l’Afrique du Nord, l’Orient méditerranéen, une grande partie de l’Espagne, et semblait moins que jamais décidé à renoncer à ses conquêtes. Sa combativité et son esprit de prosélytisme étaient au moins aussi grands que ceux du christianisme, et les croisades de Terre Sainte étaient des guerres défensives de la chrétienté contre un adversaire qui cherchait sans nulle équivoque à imposer sa foi par les armes. L’Église grecque, opposée depuis longtemps en esprit et en fait à l’Église romaine, dominait les pays d’Europe orientale soumis à Byzance ou influencés par sa culture, tels la Bulgarie, la Russie, et disputait le terrain à l’Église romaine dans les autres pays slaves qui, attachés à leur langue nationale, s’accommodaient mal du latin que la papauté leur imposait comme langue d’Église.
    L’Italie, l’Espagne (qui se trouvait encore en partie sous la domination des Maures), la France, l’Angleterre, l’Allemagne, la Pologne, les Pays Scandinaves, la Hongrie, la Bohême, la Bosnie, étaient catholiques – à des degrés très divers suivant leur éloignement de Rome et l’ancienneté de leur conversion au christianisme. Tel pays, comme la Hongrie ou la Bosnie, étaient encore à moitié païens, et les Juifs et même les musulmans y rivalisaient d’influence avec les catholiques ; le Sud de la Russie était païen, et le chef des Coumans ne se fit baptiser qu’en 1227. Les Pays baltes restaient païens malgré les efforts conjugués des Polonais, des Allemands et des Scandinaves pour les convertir de gré ou de force. En Allemagne et en Angleterre le catholicisme, religion d’État, était accepté par les peuples, mais les pouvoirs publics étaient sans cesse en conflit avec Rome. L’empereur était l’ennemi politique le plus redoutable du pape, et son influence dans le Nord de l’Italie était si grande que ce pays devait longtemps rester un des plus rebelles à l’autorité de l’Église. L’Espagne, obligée de défendre sa foi contre l’Islam, était une terre où le catholicisme était d’autant plus ardent qu’il était la foi nationale opposée à celle d’un oppresseur étranger, mais ce pays qui était en train de reconquérir son indépendance était lui-même sans cesse menacé par l’Islam.
    La France capétienne était, pour Rome, le seul allié puissant et sûr ; et cependant, la conduite de Philippe Auguste avait montré à la papauté qu’un roi de France n’est pas toujours ni forcément le paladin de l’Église. L’ambition d’un Grégoire VII, d’un Innocent III : la fondation d’un Empire chrétien ayant à sa tête le pape dont les rois seraient les lieutenants, était à la mesure du caractère autoritaire de ces grands papes, mais ne correspondait nullement à la réalité. Et si l’Islam et même l’Église grecque (malgré le coup que lui avait porté la croisade de 1204) restaient pour Rome une menace extérieure permanente, les pays officiellement catholiques voyaient surgir des mouvements de plus en plus nombreux d’opposition ouverte à l’Église, car toutes les hérésies avaient pour caractère commun une condamnation absolue et violente de l’Église de Rome.
    Les pays balkaniques, le Nord de l’Italie et le Languedoc étaient les terres d’élection des hérésies, parmi lesquelles le catharisme était, aux XII e et XIII e   siècles, de loin la plus puissante. Cependant, en France, en Allemagne, en Espagne, les foyers d’hérésie étaient également nombreux et actifs.
    Au début du XIII e   siècle, l’Église romaine, devenue une grande puissance politique, était en train de perdre la confiance des élites laïques dans les pays mêmes où son orthodoxie n’était nullement contestée ; et dans bon nombre de pays catholiques l’hérésie obtenait l’adhésion des foules et

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