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Le cadavre Anglais

Le cadavre Anglais

Titel: Le cadavre Anglais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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laissa entrevoir un bout de langue rose.
    — C'est si doux et bon à gruger.
    Il s'était approché. Elle se colla à lui. Il sentait son haleine et l'odeur marine des huîtres. Elle lui en offrit une et, ce faisant, son drap glissa, laissant apparaître sa poitrine. Elle ne fit rien pour rattraper son voile. Nicolas se pencha pour le ramasser et frôla de sa joue la cuisse de la fille qui soupira. Le sang lui battait, marquant sa soudaine émotion. Avec délicatesse il la recouvrit ; sa main s'attarda. Elle leva vers lui un regard perdu ; elle haletait légèrement. Un bruit de pas les sépara au moment où, sans doute, tout eût imposé un immédiat sacrifice. Il s'écarta, saisit un verre et se versa une rasade de vin qu'il avala d'un trait.
    — Nous partons à votre guise, dit Lavalée méconnaissable en perruque, chapeau, manteau à col de fourrure, bas chinés et solides brodequins, les bras chargés de son matériel.
    Nicolas salua Freluche qui, les deux mains sur la poitrine, soutenant le drap, s'inclina en une demi-révérence moqueuse. Elle le fixa d'un long regard plein de reproches. Le peintre surprit celui-ci et ses yeux se plissèrent d'ironie. Dans la voiture, longtemps le silence domina entre les deux hommes ; ce fut Lavalée qui le rompit.
    — Je ne suis point aveugle, vous avez séduit Freluche. Il est vrai que vous êtes beau cavalier, avec ce rien de mélancolie qui plaît tant aux femmes. Si le cœur vous en dit, je vous l'enverrai.
    Nicolas ne répondit pas. Il ne goûtait guère ce genre de propos et encore moins une invite si directe. Ils franchissaient cette barrière invisible dressée autour de ce qu'il protégeait au plus secret de lui-même. Plus au fait des mœurs du temps que son apparente fraîcheur aurait pu le laisser croire, il n'excluait pas que la scène avec Freluche ait été, de toute main, agencée entre les deux comparses par quelque signal concerté, en vue de fouetter les sens émoussés du vieux peintre.
    — Je vous remercie, jeta-t-il froidement. C'est un morceau friand et, aussi, trop retors pour moi.
    Lavalée ne prit pas sa réponse en mauvaise part et rebondit sur la technique de son art. Le commissaire ne l'écoutait plus ; il songeait à Aimée d'Arranet. Pour la première fois il s'était trouvé à deux doigts de la tromper. Pourtant, à la cour en particulier, les occasions ne manquaient pas et, deux ans auparavant, son séjour à Vienne n'avait pas été exempt de tentations. Et voilà que cette jeune délurée l'avait presque conduit à… Il y avait là de quoi réfléchir sur les mœurs d'une époque dont il se sentait parfois si éloigné. Les tentations naissaient sous les pas à chaque instant. Tout concourait à corrompre les cœurs. Le péché, la tromperie, la luxure s'offraient parés des prestiges les plus enchanteurs, séduisant au point de prévenir les dégoûts, amuser l'inconstance et exacerber le désir.
    Voyant qu'il ne l'écoutait plus, Lavalée se tourna vers lui.
    — Sachez, monsieur, je puis vous le dire du haut de mon âge, je pourrais être votre père. Si vous aviez répondu d'une autre manière à mes indirectes propositions, je vous quittais sur-le-champ. D'autres que vous auraient failli en la circonstance.
    — Pour répondre à votre ouverture, je vous dois avouer qu'il n'a tenu à rien que, dans votre logis, les séductions et les dominations ne l'emportassent.
    — Je le sais bien, et votre sincérité redouble mon estime. Chacun a ses travers. Acceptez les miens et soyons amis, voulez-vous ? Topez-là !
    — Qu'il en soit ainsi, dit Nicolas soulagé. Vous êtes un maître en votre art et je serais honoré de me compter parmi vos amis.
    Jusqu'au Grand Châtelet ils devisèrent gaiement. Nicolas aida le peintre à transporter ses ustensiles jusqu'aux abords de la basse-geôle où il s'arrêta soudain, l'esprit traversé par une pensée négligée jusqu'alors.
    — Il me serait intolérable, monsieur, de vous prendre par surprise. Outre mon adjoint et un chirurgien de marine de mes amis, sera présent Maître Sanson, bourreau de Paris. Je le connais et l'estime de toute éternité, cependant je comprendrais qu'il vous répugnât de l'approcher.
    — Foin de ces enfantillages ! Il suffit qu'il soit de vos amis. J'exécute mes sujets tout comme lui et mes arguments sont parfois plus maladroits que les siens. Demandez à mes pratiques qui refusent leurs portraits… comme trop véridiques !
    Rassuré, le

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