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Le cadavre Anglais

Le cadavre Anglais

Titel: Le cadavre Anglais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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glorieux et qu'alors, la dépouille grotesque contre la muraille, encore dégradée par les curiosités indispensables de l'ouverture, resurgirait dans l'éclat de cet ultime portrait.
    — Monsieur, comment vous remercier ?
    — En m'assurant de votre amitié et en venant me demander à souper le jour où le cœur vous en dira. Si vous le permettez, je souhaiterais emporter mes esquisses. Ce visage est beau et je veux forlonger son étude.
    — Qu'il en soit ainsi. Le père Marie va vous reconduire et veiller à ce que ma voiture vous ramène à bon port, rue des Chiens.
    Une fois le peintre sorti, le bourreau et Semacgus tombèrent l'habit et revêtirent de longs tabliers de cuir mis au point par le chirurgien de marine et taillés sur sa demande par un tailleur militaire.
    — L'envie de mourir vous prend au vu d'un si beau portrait, goguenarda Semacgus.
    Bourdeau avait allumé sa pipe de terre et s'inondait de volutes, tout en taillant sa plume en vue du procès-verbal habituel. La séance commença par l'examen des hardes et objets trouvés sur le cadavre de nouveau allongé sur la grande table de chêne. Nicolas débuta l'énumération.
    — Une culotte de corps de toile. Une chemise de fine batiste, une cravate de foulard noire. Un gilet de droguet de soie à boutons d'argent sans marques. Un habit de tissu de laine d'une qualité qui m'est inconnue…
    Semacgus s'approcha, lunettes sur le nez.
    — N'est-ce point là un tissu comme en portent à Londres les cochers de fiacre ?
    — Où n'êtes-vous pas allé ?
    — En Chine, je crois. Et encore, je n'en suis pas sûr !
    — Nous verrons cela avec maître Vachon, mon tailleur. Des bas de coton, une paire de souliers sans boucles, lesquelles sans doute ôtées lors de la mise sous écrou… Apparemment les poches ne contiennent rien d'autre qu'un mouchoir de très fine toile. Ne serait-ce point un mouchoir de dame ?
    Il le passa à Bourdeau.
    — Il y paraît, et sans initiales. Rien d'autre ?
    — Rien, absolument rien. Voilà qui est étrange.
    — Sauf, reprit l'inspecteur, à se mettre à la place de quelqu'un qui désirait dissimuler son identité, en ne portant sur lui aucun signe particulier.
    — Vous avez raison. Messieurs, à vous de jouer. Peut-être ce cadavre sera-t-il plus éloquent ?
    Nicolas retourna le portrait face contre la muraille d'un geste incontrôlé comme s'il s'était agi d'éviter à ce visage si vivant les offenses qu'allait subir le cadavre. Il nota la présence de la signature de Lavalée au verso du carton. Il sortit de sa poche une petite tabatière d'or guilloché, naguère offerte par Madame du Barry, et contempla, comme chaque fois qu'il en usait, le portrait du feu roi qui ornait le couvercle ; le temps s'écoulait si vite… Il prisa et se perdit dans une longue et satisfaisante série d'éternuements.
    La voix grave de Semacgus s'éleva après les politesses d'usage avec Sanson.
    — Sujet de sexe masculin. Entre vingt-cinq et trente ans…
    Il consulta du regard son compère qui approuva d'un geste. Puis il se pencha sur le cadavre dont il fit le tour.
    — Aucune blessure n'apparaît sur la face antérieure du corps.
    — Pardonnez-moi, mon ami, dit Sanson d'une voix douce, nous devons pourtant relever la présence…
    Il approcha de la tête livide une petite pince pour recueillir de minuscules graviers incrustés dans le front du mort.
    — … de ceci ! Je ne me l'explique pas, sauf à ce que le corps ait été retourné une fois tombé. Si nous nous en tenons à ce que Bourdeau nous a relaté avant votre retour, la corde faite de draps noués a lâché et, son poids entraînant la victime, celle-ci a chu le dos face au vide. C'est à son niveau que devraient apparaître les blessures ayant entraîné la mort.
    — Je vous approuve, dit Semacgus, un peu piqué d'avoir laissé échapper cette observation. Vous avez l'œil d'un botaniste qui repère la plante rare ; je vous inviterai à herboriser avec moi.
    À son tour quelque chose attira son attention. Il donna une légère tape sur l'épaule gauche du cadavre et se mit à marmonner alors que les autres s'approchaient pour le mieux entendre.
    — C'est bien ce que je pensais… Ce n'est pas un claquedent , il a bien toutes les apparences d'un homme soigné. Il a été inoculé contre la petite vérole, ce qui le place d'emblée au-dessus du commun.
    — Les gens du peuple, eux, grinça Bourdeau, peuvent bien crever de la petite

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