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Le cadavre Anglais

Le cadavre Anglais

Titel: Le cadavre Anglais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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vérole ; qui s'en soucie ?
    — Les pauvres rois également, murmura Nicolas. Et le peuple ne les pleure guère !
    —  Cela pourrait fixer approximativement son âge, reprit Semacgus, ignorant l'interruption. Savez-vous que, dans le royaume, l'inoculation a été interdite plusieurs années à la fin des années soixante en raison de la peur, imbécile, de l'épidémie ? Ou alors…
    — Ou alors ? demanda Nicolas.
    — Eh bien ! Il se pourrait aussi qu'il ne fût pas sujet du roi, mais natif d'une nation étrangère.
    — Ou encore, jeta Bourdeau, faraud, qu'il ait été soumis à cette opération après la période d'interdiction.
    Le chirurgien cilla, puis de nouveau frappa la marque sur l'épaule.
    — Vous m'en pouvez croire, mon ami : j'en ai vu d'autres. Cette marque n'est pas récente. Elle provient d'une inoculation effectuée alors que le sujet était enfant.
    Nicolas nota fébrilement dans son petit carnet noir. L'examen externe du corps se poursuivit en silence. Il fut ensuite retourné. Il apparaissait bleu violacé avec des taches noirâtres, le sang s'étant, expliqua Sanson, accumulé par gravité. Le commissaire, saisi par une idée soudaine, regarda les habits du mort. Il garda pour lui le résultat de son examen, ne souhaitant pas soulever des hypothèses avant que les praticiens, par leurs conclusions, ne lui aient donné matière à les nourrir et à les recouper.
    Semacgus et Sanson paraissaient perplexes. Le chirurgien épongea à la main, nettoyant avec délicatesse la base de la nuque, masse informe de cheveux et de caillots de sang. Nicolas ne voyait rien, sinon les deux dos penchés, et n'entendait que leurs murmures indistincts. L'image d'un chemin creux proche du château de Ranreuil dans lequel, enfant, il avait surpris deux grands corbeaux déchiquetant à coups de bec un conin de garenne 23 s'imposa à lui. Soudain Semacgus se releva, s'éloigna de la table et se mit à arpenter la basse-geôle à grandes enjambées. Sanson se retourna, le considérant d'un air impénétrable.
    — Je crains qu'il ne se le faille avouer, nous sommes confrontés à une difficulté, une de celles qui se présentent si souvent dans des cas similaires. Le sujet était-il vivant ou mort au moment où il est tombé du jour de son cachot ? S'il était vivant, s'est-il jeté volontairement dans le vide, en voulant s'enfuir à l'aide des draps, ou l'y a-t-on poussé ?
    Semacgus acquiesça.
    — L'exorde est de toute clarté, cher Sanson. Je poursuivrai donc votre raisonnement. Si l'on suppose que le sujet était déjà mort au moment de la chute, nous devons rechercher les causes de cette mort, étranglement, plaies bien concordantes résultant de l'usage d'instruments piquants ou tranchants, ou encore blessures d'armes à feu. Dans ce cas, on peut établir ou, tout le moins, essayer d'établir que ces blessures sont le fait d'actes ayant conduit au décès de la victime.
    — Et dans ce cas présent ? demanda Nicolas.
    — Dans la plupart des cas où la victime est encore vivante, on découvre des marques de lésions internes et, compte tenu des circonstances présentes, des brûlures, excoriations et ampoules dues à l'échauffement de la corde. La nature des blessures, leur étendue, leur nombre et leur gravité seront en rapport avec la hauteur de la chute et la matière du sol.
    — Autre difficulté, dit Sanson. En supposant que l'homme était vivant au moment de sa chute, quels éléments joueraient en faveur de l'assassinat. Il y a possibilité qu'il ait voulu s'homicider 24 , ou bien encore a-t-il, troublé de vertige, lâché la corde ? Ou, par hasard, était-il sujet à des attaques du haut mal ?
    — Et, surenchérit Semacgus, la chute n'aurait-elle pas été suffisamment longue pour que soient relevées les expressions habituelles du visage qu'imprime la terreur lors, par exemple, d'une chute dans un précipice ?
    — Il est vrai, ajouta Sanson, que, le plus souvent, le concours et la suite des circonstances révèlent la vérité. L'attention la plus sourcilleuse et la circonspection la plus subtile ne conduisent pas forcément au bout de sa carrière.
    Nicolas, agacé par la leçon et qui n'en voyait pas le terme, décela chez Bourdeau, qui tirait à bouffées répétées sur sa pipe, la même impatience.
    — Il me semble, murmura-t-il en souriant pour atténuer la portée de sa remarque, que vous empruntez tous deux force faux-fuyants et des détours bien biaisés

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