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Le cadavre Anglais

Le cadavre Anglais

Titel: Le cadavre Anglais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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lieu, sur l'air de  La belle Phylis.
    — Le Grand Châtelet est rieur, aujourd'hui, observa Semacgus. Pourtant, je crois entrevoir l'idée foncièrement agaçante pour l'esprit qu'agite avec malice maître Sanson. L'usure dénonce l'action.
    — Vous recoupez avec finesse ma pensée, murmura le bourreau. Mes remarques sur les ongles correspondent à la manière dont les horlogers, en particulier ceux employés au rhabillage des montres, les plus habiles à l'ouverture des boîtiers, en usent. Les marques d'opposition du pouce et de l'index indiquent l'obligation de maintenir fermement des pièces délicates à ajuster. L'usure est due au frottement répété de la lime.
    Il souleva la main.
    — Et cela est corroboré par l'incrustation de limaille de fer qui tache les doigts.
    — Soit ! Et la hanche ? Et la culotte ?
    — L'ajusteur ou le mécanicien d'instruments de précision travaille souvent debout devant un tour et contre une barre qui le soutient de côté et en arrière pour lui donner un point d'appui. De cela, j'ai inféré le méplat de la hanche et l'usure latérale et arrière de la culotte.
    — Ainsi vous en concluez que…
    — Oui ! En conséquence, j'en conclus que nous avons affaire à un ouvrier de qualité en instruments de précision et sans doute à un horloger, car tout concorde dans le champ de mes observations…
    Il se pencha sur le visage du mort.
    — … Et ce n'est pas tout, ajouta-t-il. J'attire votre attention sur un détail ultime et concluant. Regardez la marque qu'un usage prolongé d'une loupe d'œil imprime autour de l'orbite droite ! Tout cela, je l'espère, va limiter de très utile manière le champ de recherches dans le périmètre d'une seule activité ou de celles qui lui sont proches. De ce point de vue, le portrait de M. Lavalée constituera un outil essentiel.
    — Messieurs, dit Nicolas, remercions l'ami Sanson pour cette si magistrale démonstration. Il me revient d'ajouter à cette somme une autre remarque édifiante à bien des égards. Vous avez recueilli des graviers sur le front du mort. Vous en retrouvez sur le devant de sa veste. Conservons cet indice pour nous en souvenir plus tard, sans pour autant y attacher une importance excessive, trop de moments de l'histoire de ce cadavre nous échappent depuis sa chute d'une cellule de Fort-l'Évêque !
    Un silence lourd de réflexions informulées tomba sur l'assistance. Les deux praticiens se consacrèrent aussitôt aux tristes actes de l'ouverture. Bien que rien, dans son apparence, ne trahît ses sentiments, Nicolas ne s'était jamais accoutumé à ces moments d'horreur organisée. Il ferma les yeux, essayant de ne point prêter attention aux commentaires monocordes et aux bruits évocateurs du macabre travail. Une longue heure s'écoula avant que Semacgus ne déclarât l'ouvrage achevé. Les organes replacés et les incisions recousues, le cadavre avait retrouvé un semblant d'apparence. Le père Marie apporta deux grands brocs d'eau chaude. En silence le bourreau et le chirurgien se lavèrent bras et mains et revêtirent leur habit. Sanson pria avec cérémonie Semacgus de prendre la parole.
    — L'ouverture confirme le premier diagnostic : l'homme n'est pas mort des suites de sa chute. Hors un coude abîmé, et quelques contusions bénignes, aucune fracture, en particulier au crâne, n'a été observée, non plus qu'aucune altération des organes internes. Seule la blessure à la tête apparaît comme la cause avérée du décès. Nul doute que le sujet a chu d'une certaine hauteur et rien n'exclut qu'il ait pu se retrouver inconscient sur le sol, non plus que le choc l'ait assommé. C'est sans doute à ce moment…
    — En pouvez-vous évaluer la durée ?
    — Cher Nicolas, il me souvient que vous fûtes quelques fois assommé. Cela peut s'étendre sur quelques secondes comme sur une dizaine de minutes. Je répète que c'est à ce moment-là qu'il a probablement été assassiné. On a vérifié son état, constaté qu'il n'était pas mort, on l'a alors froidement dépêché. Selon mes observations l'arme du crime est sans doute une canne ou un bâton ferré. La blessure a laissé dans son début une empreinte triangulaire, étroite en tout cas, et son ouverture montre les chairs tassées sur une surface arrondie plus large. Achevé comme les toros de combat en Espagne, d'une estocade.
    — Où n'est-il pas allé ? s'exclama Semacgus.
    — Dernière constatation. Le sujet avait soupé,

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