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Le cadavre Anglais

Le cadavre Anglais

Titel: Le cadavre Anglais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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Ruillé, sur le Cher, m'en adresse quelques pièces lorsque l'année est bonne. Il se nomme le jasnières, ce nectar blanc !
    — Sec et fruité, tout ensemble, dit Semacgus en claquant la langue.
    — Oui, et de bonne garde ; il vieillit en conservant sa verdeur.
    — Un Noblecourt, en quelque sorte, dit Nicolas…
    — C'est lui tout craché quand il ne boit pas de vin blanc ! murmura de sa voix flûtée la vieille Marion, surgissant une tasse de tisane à la main qu'elle déposa devant son maître qui, à sa vue, fit une telle grimace que la tablée n'y résista point.
    — Un fond pour m'assurer qu'il ne sent pas le bouchon, réclama l'intéressé d'une voix plaintive.
    Catherine s'invita au débat.
    — Ça oui, vous le bouvez sentir, rien d'autre, la faculté l'interdit. Yo, yo, voulez-vous déclencher un accès de goutte qui vous arrangera le caractère et mettra la maison sens dessus dessous ? Et cessez de marmonner ! Ces messieurs vous diront combien j'ai raison, eux qui vous veulent conserver.
    — Paix ! Il faut bien s'incliner.
    Il prit le verre de Semacgus et le respira en fermant les yeux.
    — Je comprends le bon roi Henri le quatrième qui en faisait servir toujours au château de Saint-Germain. Ce monarque gaillard baptisé au jurançon savait honorer les vins de son royaume.
    Poitevin apparut, portant une immense soupière en porcelaine de Rouen dont il ôta précautionneusement le couvercle, après l'avoir posée sur une desserte. Une vapeur parfumée envahit la pièce.
    — Que nous apportez-vous là ? demanda Noblecourt, feignant l'ignorance.
    La voix de Marion, tapie dans l'ombre pour surveiller les opérations, s'éleva.
    — Le potage en fausse tortue.
    — Oh ! dit Semacgus. Je pourrai déterminer ainsi si la copie vaut l'original. J'en ai jadis goûté une fameuse à Batavia, aux Indes hollandaises.
    — Que n'a-t-il pas vécu ! dit Bourdeau. Je propose qu'on le place dans votre cabinet de curiosités.
    — Que non ! Il boirait l'alcool de mes bocaux !
    Un silence flatteur suivit les premiers instants de la dégustation. Semacgus, d'un mot à Poitevin, avait veillé que le vieux magistrat ne fût servi que d'un peu de bouillon.
    — Puisque la cruelle sollicitude de mon médecin m'oblige à vider ma tasse avant mes hôtes, il va de soi que dans les usages de notre compagnie, le plaisir du plat se doit d'être redoublé du récit de son exécution.
    — Ma foi, dit Marion à qui Noblecourt fit approcher une chaise en dépit de ses dénégations, la chose est simple. Il faut disposer d'une épaule de mouton et de têtes de saumon, de turbot et de merlans pour le bouillon. Le tout manié en casserole avec du beurre, épices, des aromates et des racines. Une fois l'ensemble revenu et coloré, vous mouillez d'eau à bonne hauteur. Quand la chair se détache des os, il convient de passer le tout à la serviette, et clarifier bellement ce bouillon avec des blancs d'œuf suivant l'usage. Remettez au potager pour qu'il réduise et se corse au point de soutenir l'ajout d'une demi-bouteille de vin de Madère. La veille, vous avez fait cuire une tête de veau – nous l'avons fait aujourd'hui, le souper n'étant pas prévu – coupée en petits dés dans du vin blanc. Ce sont eux qui paraîtront la tortue…
    Les applaudissements éclatèrent.
    — Peste ! Quelle force et quelle suavité ! dit Semacgus. Je me demande si j'ai eu raison de vous autoriser le bouillon. Ce madère peut être un peu échauffant. Je vous en préviens, la suite sera plus sévère.
    — Voyez comme il me traite, dit Noblecourt à Sanson.
    — Monsieur, c'est qu'il vous aime et vous veut conserver en bonne et permanente santé.
    — Que serait-ce s'il me haïssait ?
    Nicolas admirait l'attitude naturelle de M. de Noblecourt dont les attentions abattaient peu à peu les défenses de Sanson, encore étourdi de se trouver en si aimable compagnie. Il l'avait accueilli comme un commensal habituel, s'adressant à lui ni plus ni moins qu'aux autres et prêtant la plus exacte attention à ses propos. Il transparaissait de tout cela un art de bien vivre en société à nul autre comparable.
    — Comment se porte M. Balbastre ? demanda Nicolas pour complaire à son vieil ami. Et êtes-vous satisfait de votre visite ?
    Noblecourt sourit avec malice.
    — Je vous adresse ses compliments. Avec l'un de ses élèves, nous avons joué un concerto de symphonie en trio pour flûte, violon et pianoforte. Ma

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