Le Capitaine Micah Clarke
les
exercer, les faire marcher, les faire manœuvrer, les faire
travailler, leur prêcher, les faire obéir à Dieu et à leur colonel.
Rien de cela n'est possible dans une garnison confortable. Nous ne
pouvons espérer de mener à sa fin cette entreprise, tant que nous
ne serons pas arrivés à Londres. Ainsi donc, Londres doit être
notre but. Mais il y a bien des routes pour y arriver. Sire, vous
avez bien des partisans à Bristol et dans les Terres du centre, à
ce que j'ai entendu dire. S'il m'est permis de donner un conseil,
je dirais : Marchons de ce côté-là. Chaque jour qui passe
augmentera le nombre de vos troupes et les rendra meilleures, si
l'on s'aperçoit qu'on se remue. Supposez que nous prenions Bristol
– et j'ai ouï dire que les ouvrages ne sont pas très forts – cela
nous donnerait une très bonne prise sur la navigation, et un centre
d'action comme il y en a peu. Si tout va bien pour nous, nous
pourrions marcher sur Londres à travers les comtés de Gloucester et
de Worcester. En attendant, je serais d'avis qu'une journée de
peine et d'humiliation soit imposée pour appeler une bénédiction
sur la cause.
Cette allocution, où étaient habilement
combinées la sagesse de ce monde et le zèle spirituel, conquit les
applaudissements de toute l'assemblée, et surtout du Roi Monmouth,
dont l'humeur mélancolique se dissipa comme par enchantement.
– Par ma foi, Colonel, dit-il, ce que vous
dites est clair comme le jour. Naturellement, si nous prenons de la
force dans l'Ouest et si mon oncle est menacé de perdre des
partisans quelque part, il n'aura aucune chance de tenir contre
nous. S'il veut nous combattre sur notre propre terrain, il lui
faudra dégarnir de troupes le Nord, le Sud et l'Est, chose à
laquelle on ne peut songer. Nous pouvons fort bien entreprendre la
marche sur Londres par la route de Bristol.
– Je trouve le conseil bon, remarqua Lord
Grey, mais je tiendrais à savoir sur quoi se fonde le colonel
Saxon, pour dire que Churchill et Feversham sont en route avec
trois mille hommes d'infanterie régulière, et plusieurs régiments
de dragons.
– Sur les paroles d'un officier des Bleus avec
lequel je me suis entretenu à Salisbury, répondit Saxon. Il m'a
fait ses confidences, croyant que je faisais partie de la maison du
Duc de Beaufort. Quant à la cavalerie, une troupe de celle-ci nous
a poursuivis dans la Plaine de Salisbury avec des mâtins. Une autre
nous a attaqués à moins de vingt milles d'ici, et a perdu une
vingtaine d'hommes et un cornette.
– Nous avons entendu parler de l'affaire dit
le Roi. Elle a été bravement menée. Mais si ces gens-là sont aussi
près, nous n'avons pas beaucoup de temps pour nos préparatifs.
– Leur infanterie ne peut être ici avant une
semaine, dit le Maire, et à ce moment-là nous serions de l'autre
côté des murs de Bristol.
– Il y a un point sur lequel on pourrait
insister, dit Wade, l'homme de loi. Ainsi que le dit avec grande
vérité Votre Majesté, nous avons été cruellement désappointés par
ce fait qu'aucuns gentilshommes, et fort peu de membres importants
des Communes ne se sont déclarés pour nous. La raison de cela, à
mon avis, est que chacun d'eux attend que son voisin se mette en
mouvement. S’il nous en venait un ou deux, les autres ne
tarderaient pas à les imiter. Comment donc faire pour amener un ou
deux Ducs sous nos étendards ?
– Voilà la question, Maître Wade, dit Monmouth
en hochant la tête d'un air de découragement.
– Je crois que la chose est possible, répondit
le légiste whig. De simples proclamations adressées à tout
l'ensemble des citoyens n'attraperont pas ces poissons dorés. Ils
ne mordront point à l'hameçon s'il n'y a point d'appât. Je
recommanderais une sorte de convocation, d'invitation qui serait
envoyée à chacun d'eux, et qui les sommerait de se rendre à notre
camp, avant une certaine date, sous peine de haute trahison.
– Ainsi parla l'esprit des formes légales, dit
le Roi Monmouth en riant. Mais vous avez omis de nous dire comment
la dite citation ou sommation serait signifiée à ces mêmes
délinquants.
– Le Duc de Beaufort, reprit Wade, sans
s'arrêter à l'objection du Roi, est Président de Galles, et comme
le sait Votre Majesté, lieutenant de quatre comtés anglais. Son
influence s'étend sur tout l'Ouest. Il a deux cents chevaux dans
ses écuries à Badminton, et, à ce que j'ai ouï dire, mille hommes
s'assoient chaque jour à ses tables.
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