Le Capitaine Micah Clarke
ne s'est
rien passé qui n'ait tourné à notre avantage. Nous devons faire en
sorte que l'avenir soit aussi heureux que le passé. C'est pour
assurer ce succès que je vous ai réunis, et maintenant je vous
demande de me donner votre avis sur notre situation, et de me
laisser combiner notre plan d'action après que je vous aurai
entendus. Il y a parmi vous des hommes d'état, il y a parmi vous
des militaires, il y a parmi vous des hommes de piété qui peuvent
apercevoir un éclair de lumière alors qu'hommes d'état et
militaires sont dans les ténèbres. Donc parlez sans crainte,
faites-moi connaître vos pensées.
De mon poste central près de la porte je
voyais parfaitement les rangées de figures de chaque côté de la
table, les solennels Puritains à la face rasée, les soldats brûlés
par le soleil, les courtisans à moustaches et en perruques
blanches.
Mes yeux se portèrent surtout sur les traits
scorbutiques de Ferguson, sur le profil dur, aquilin de Saxon, sur
la face grossière de l'Allemand et sur la figure pointue et pensive
du lord de Wark.
– Si aucun autre ne veut exprimer une opinion,
s'écria le fanatique docteur, je vais parler moi-même, comme étant
inspiré par une voix intérieure. Car n'ai-je pas travaillé pour la
cause, ne m'en suis-je pas fait l'esclave, pâtissant, souffrant,
bien des choses par le fait de l'audacieux ? Par quoi mon
esprit a fructifié avec abondance. N'ai-je pas été foulé comme dans
un pressoir à vin et jeté au rebut avec des sifflets et du
mépris ?
– Nous connaissons vos mérites et vos
souffrances, docteur, dit le Roi. La question qui nous est soumise
est de savoir ce que nous avons à faire.
– Une voix ne s'est-elle pas fait entendre à
l'Orient ? cria le vieux Whig. Un nom ne s'est-il pas élevé
comme celui d'une grande clameur, de grands pleurs pour un Covenant
violé et une génération pécheresse. D'où venait ce cri ?
Quelle était cette voix ? N'était-elle pas celle de cet homme,
Robert Ferguson, qui s'est dressé contre les grands de la terre et
n'a pas voulu se laisser apaiser ?
– Oui, oui, docteur, dit Monmouth, avec
impatience. Parlez de ce qui nous occupe, ou faites place à un
autre.
– Je vais m'expliquer clairement, Majesté.
N'avez-vous pas appris qu'Argyle est pris. Et pourquoi est-il
pris ? Parce qu'il n'a point eu la confiance qu'il devait
avoir dans les œuvres du Tout-Puissant, parce qu'il lui a fallu
rejeter l'aide des enfants de lumière pour accepter celle des
rejetons du Prélatisme, hommes aux jambes nues, à moitié païens, à
moitié papistes. S'il avait marché dans la voie du Seigneur, il ne
serait point enfermé dans la Prison d'Édimbourg, avec la corde ou
la hache en perspective. Que n'a-t-il ceint ses reins, pour marcher
droit en avant, avec l'étendard de la lumière, au lieu de s'amuser
ici et là, à attendre, ainsi qu'un Didyme au cœur incertain. Et
notre sort sera le même ou pire encore, si nous n'avançons pas dans
l'intérieur, si nous ne plantons pas nos étendards devant cette
ville coupable de Londres, la ville où l'œuvre du Seigneur doit
être faite, où l'ivraie doit être séparée du froment, et entassée à
part pour être brûlée.
– En somme, vous êtes d'avis que nous nous
mettions en marche, demanda Monmouth.
– Que nous marchions en avant, Majesté, et que
nous nous préparions à être les instruments de la grâce, que nous
nous abstenions de souiller la cause de l'Évangile en portant la
livrée du diable, dit-il en lançant un regard féroce à un cavalier
au costume brillant qui était assis de l'autre côté de la table,
qu'on renonce à jouer aux cartes, à chanter des chansons profanes,
et à lancer des jurons, autant de fautes qui sont commises chaque
soir par les membres de cette armée, ce qui est un grand scandale
envers Dieu et le peuple.
Un murmure d'assentiment et d'approbation
s'éleva parmi les Puritains les plus fermes de l'assemblée, quand
ils entendirent exprimer cette opinion, pendant que les gens de
cour échangeaient des coups d'œil et avançaient les lèvres d'un air
moqueur. Monmouth alla et vint deux ou trois fois et demanda un
autre avis.
– Vous, Lord Grey, dit-il, vous êtes un soldat
et un homme d'expérience ; quel est votre avis ?
Devons-nous faire halte ici ou pousser sur Londres ?
– Nous diriger vers l'Est serait aller à notre
perte, selon mon humble jugement, répondit Grey, en parlant avec
lenteur, et du ton d'un homme qui a
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