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Le Chant des sorcières tome 2

Le Chant des sorcières tome 2

Titel: Le Chant des sorcières tome 2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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re-goûtait à l'ivresse. D'heure en heure, de minute en minute, de seconde en seconde, ce qui l'entourait se colorait, comme si cette lumière intérieure illuminait toute chose. Terre et ciel mélangés, avalés par la course. Les verts lui semblaient plus intenses, les bleus plus vifs, les jaunes, les rouges plus épicés. Même les parfums que la terre assoiffée avait restitués après le bref orage de la nuit s'en trouvaient plus marqués. Ce n'était pas du bonheur, non. Le bonheur était un leurre dont il avait appris à se méfier. Le bonheur, c'était de retenir entre ses doigts un moment parfait. Or celui-ci demeurait incomplet. Demeurerait incomplet tant qu'Hélène de Sassenage ne se trouverait pas devant lui, tant qu'il ne pourrait vérifier si ses sentiments étaient partagés.
    Le buste collé au crin, il talonna encore sa monture, conscient pourtant qu'elle ne pouvait donner davantage. Qu'importe. Il jouissait de ce pouvoir d'avaler le temps, les distances. En ce 30 mai, Djem le guerrier, Djem le sultan déchu, Djem le captif n'était plus que le Zizimi de sa mère. Un poète qui emplissait ses yeux, son nez et son cœur d'émotion, lui qui en avait tant été privé.
    *
    S'il n'avait tenu qu'à elle, Philippine aurait volontiers remonté ses jupes pour chevaucher à la garçonne. Dans cette position que les robes obligeaient les dames à prendre, elle n'allait pas assez vite. Djem serait-il là encore si l'heure tournait ? Dans son sillage, Algonde surveillait les abords de la route d'un air faussement détaché. N'ayant pas vu Louis au château, elles étaient toutes deux en alerte. À tout moment il pouvait surgir. Du chemin qui menait à Rochechinard, de celui qui filait vers la Bourne, des bois alentour. Philippine eût cent fois préféré savoir où il se trouvait mais même son valet de pied dont elle s'était acquis le concours la veille n'avait su lui répondre. Louis avait disparu à la faveur de l'aube. Elles l'avaient pu vérifier. La stalle de son cheval à l'écurie était vide. Menace silencieuse, elle pesait sur leur équipée. Ralentissait leur pas pour lui garder des allures de promenade. Et Philippine de Sassenage bouillait tout en distribuant des sourires et des signes aux manants qu'elles croisaient et qui la saluaient.
    *
    Le soleil était au zénith. Midi. Djem était à l'heure. D'un regard il embrassa la clairière. Il était le premier. Le seul ? Pincement au cœur. Il tempéra son impatience en sautant à bas de sa monture qui écumait des naseaux. Retroussant les lèvres, le cheval hennit et Djem lâcha la bride. Sans hésitation, reconnaissant l'endroit sans doute, l'animal allongea son pas vers la source qui murmurait.
    Parfaitement maîtrisé dans son galop, l'alezan de Nassouh s'arrêta à sa hauteur. Le tchélébi mit pied à terre.
    — Est-ce ici que Houchang t'a quitté ? demanda-t-il en claquant une tape au cul de l'animal pour le rendre lui aussi à la liberté.
    Djem hocha la tête, la gorge nouée de son impatience et du souvenir de son compagnon. Par mesure de sécurité, ils ne l'évoquaient jamais à Rochechinard.
    — Pas de nouvelles.
    — Comment pourrait-il en donner ?
    Croisant les mains derrière son dos pour tempérer sa nervosité, Djem se mit à arpenter l'espace étroit et irrégulier de la clairière, aux abords de laquelle, surmontant l'angoisse de leur intrusion intempestive, les oiseaux avaient recommencé à s'égosiller.
    — Je me demande parfois si c'était une bonne idée. Convertie au christianisme, Mounia peut être n'importe où en vérité. N'importe où sauf en Égypte où il la croit retournée.
    Nassouh se fendit d'un sourire, révélant une rangée de dents d'un blanc de lait que la matité de son teint rendait plus éclatantes encore.
    — Où ses intérêts l'ont forcément ramenée, Zizim, si elle cherche à te nuire. Allons mon ami, mon prince. Point de tristesse en ce jour. Écoute…
    Le cœur de Djem bondit dans sa poitrine. Il y pressa spontanément Nassouh avant de le laisser rejoindre les bêtes en quelques enjambées. Deux chevaux à l'amble approchaient.
    *
    — C'est lui, gémit Philippine, manquant défaillir sur sa selle, en apercevant la silhouette enturbannée du prince entre la trouée des derniers arbres et des fourrés.
    Elle se tourna de quart vers Algonde.
    — Comment suis-je ?
    Algonde eut envie de rire, mais se contint.
    — Pâle.
    Philippine tira sur la bride et balaya le sol d'un regard

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