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Le Chant des sorcières tome 2

Le Chant des sorcières tome 2

Titel: Le Chant des sorcières tome 2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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loger ? Pas à l'étage. Ce n'était pas là un privilège à accorder à un panetier. Car il faudrait bien que la vérité éclate, que ses courtisans acceptent d'avoir été dupés. Une profonde détresse s'immisça en elle. Elle ne pouvait vouloir tout et son contraire. Si elle parvenait à convaincre le prince Djem de se convertir au christianisme, elle pouvait espérer acheter auprès du ciel quelque indulgence. Auprès de ses pairs, c'était une autre affaire. Alors quoi ? Prétendre que dame Algonde s'était amourachée d'un boulanger au point de l'épouser ? Inconvenant. Illégitime. Contre nature. Cette fois, ce ne serait plus l'Église, mais la noblesse qui s'écrierait. Faire du mensonge une vérité ? Anoblir Mathieu ? Sous quel prétexte ? Existait-il des précédents ? Si son père le lui autorisait, qu'en serait-il de Louis ? Et quand bien même elle parviendrait à concilier ces contraires, chaque fois que les doigts d'Algonde frôleraient sa chevelure, la morsure du désir au creux de ses reins… Ne l'éprouvait-elle pas là déjà, encore, alors que depuis de nombreuses semaines, par l'innocente faute d'Elora, elle en était privée ? Alors même que son cœur battait pour Djem plus fort qu'il ne l'avait jamais fait.
    Elle soupira :
    — Il te veut pour lui seul, j'en suis certaine. Mais il me faudra du temps, je crois, pour l'accepter.
    Algonde lui releva le menton de l'index. C'était la réponse qu'elle espérait.
    — Rien ne presse, ma dame. Je suis sûre que tu m'oublieras très vite entre les bras de Djem.
    — Très vite, très vite, il n'y faut pas compter. Je ne me donnerai qu'en mariage. C'est dire si l'affaire est compliquée.
    — Rien n'est simple, mon Hélène. Non, rien n'est simple. Mais sois sûre d'une chose, quoi qu'il advienne je ne t'abandonnerai jamais.
    *
    — Ils sont là ! Oh ! mon Dieu ! Ils sont là.
    Ce cri effaré fit ouvrir les yeux à Mounia. Lina en poussa un autre, strident d'effroi derrière la barrière de ses mains qu'elle venait de plaquer sur sa bouche en découvrant au milieu des pierres et du chemin les corps enchevêtrés de Mounia et d'Enguerrand. Lina recula d'un pas, trébucha et fut rattrapée de justesse par Catarina qui la suivait.
    — Je vous avais prévenue, cousine, il fallait me laisser aller seule, grogna la gardienne de chèvres tandis qu'en tremblant d'émotion Lina rétablissait son équilibre.
    — Là… Le… Le… d… dia… Le diable…
    — Pas de danger, il ne sort que la nuit, se moqua Catarina tout en suivant des yeux, par réflexe, l'index tendu de Lina.
    Elle se figea. Se signa. Avant de se précipiter.
     
    Inconscients de la nuit que les adultes avaient vécue, les plus jeunes des enfants avaient été chargés de surveiller le troupeau sur l'autre versant de la colline. Par moments, trouant les bêlements, leurs éclats de rire claquaient gaiement et, portés par la brise, amenaient dans la pinnettu, avec les rayons chauds du soleil, un souffle de vie sur le silence qui s'y était installé.
    — Vous ne vous souvenez vraiment pas ? insista Catarina en remplissant l'un après l'autre les deux godets de terre cuite qu'elle avait placés devant eux.
    — Rien, assura Enguerrand en se frottant le crâne.
    Il souffrait de commotion, lui avait affirmé la chevrière. Vraisemblablement une pierre l'avait frappé derrière la nuque et l'avait estourbi. Pourtant, et malgré le trou noir qui obscurcissait sa conscience, il ne parvenait pas à l'admettre. Certes il se revoyait enlacer Mounia, certes il retrouvait le tintement de sa lame sur la roche lorsqu'il l'avait lâchée, mais il lui restait confusément la sensation d'autre chose. Comme lui, Mounia secoua la tête. Elle souffrait des mêmes symptômes. Avait gardé les mêmes souvenirs. Partageait la même intuition.
    Attablée devant eux, de l'autre côté du plateau bancal, Lina broya ses mains l'une dans l'autre.
    — Quoi qu'il en soit, vous avez survécu. Ce qui n'est pas le cas de ce brave mulet. Nous l'avons entendu braire malgré le tumulte. Oh ! Seigneur Jésus, si j'avais eu quelque courage…
    — Tu serais morte avec elle, la cueillit froidement Catarina en reportant un œil soupçonneux sur les deux étrangers qui avalaient par petites gorgées et sans grimacer sa tisane amère.
    Elle l'avait faite à l'eau bénite. « Si ce sont des démons, ils la vomiront et convulseront jusqu'à retourner en enfer », pensait-elle en rétrécissant ses

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