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Le Chant des sorcières tome 2

Le Chant des sorcières tome 2

Titel: Le Chant des sorcières tome 2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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angoissé.
    — Oh mon Dieu, mon Dieu, Algonde. Une frottée d'ortie sur mes joues, vite.
    Attendrie, Algonde se ramena à sa hauteur.
    — Il n'y en a pas. Pince-les donc, si tu veux les rosir, mais à mon sens ce serait superflu. Tu es magnifique par la seule émotion qui te tient. Je la connais ma douce et sais pour l'avoir goûtée à quel point elle suffit à troubler ceux qui t'aiment. Allons, viens. Il s'impatiente.
    — Tu crois ? frémit Philippine, furetant du regard en direction de la clairière.
    Djem avait disparu.
    Pour toute réponse, Algonde claqua la croupe de sa jument.
     
    Il tremblait. Lui qui avait sans sourciller mené une armée à la bataille, tranché têtes et membres, frôlé la mort cent fois et cent fois l'avait bravée. Il tremblait devant cette femme franchissant l'arche que deux frênes, telles des colonnes d'écorces, formaient au milieu des fougères. Hautes et déchiquetées, les plantes d'un vert profond balayaient de leurs feuilles la soie immaculée de sa longue jupe, comme autant de doigts qu'il eût voulu posséder pour deviner la rondeur gracile du mollet. Il bomba le torse pour se garantir du vertige, et, embarrassé de ses mains avides de caresses, en accrocha une à la ceinture de toile qui resserrait son pantalon bouffant à la taille et l'autre sur le pommeau de son cimeterre. Ainsi planté tel un jeune tronc en cette forêt où nul ne pouvait songer à les surprendre, il la laissa venir à lui au pas de son cheval, quand il aurait voulu courir vers elle. Il en était incapable. Comme cette fois où il l'avait pourchassée et où, subjugué par sa beauté au moment où elle s'était retournée, il s'était arrêté au mitan du chemin, étourdi.
    À la pointe de sa coiffe bleue qu'elle portait attachée sous le menton par un lien de même teinte, un voile de soie se mêlait. Elle l'a choisi en réponse à la couleur de mes yeux, s'émut-il prétentieusement. Il se sentit aussi léger que cette écharpe de brume qui dansait autour d'elle et donnait l'impression fugace que ses cheveux roulés en tresse au-dessus des oreilles cherchaient à s'échapper.
     
    Philippine immobilisa sa jument à quelques pas de lui. Comme elle eût voulu à cet instant qu'Algonde, au lieu d'avoir discrètement tourné bride vers la source, soit là pour apaiser le tumulte en elle. S'approcher davantage sans défaillir, elle ne le pouvait pas. Était-ce cela l'amour ? Cette sensation de ne plus s'appartenir soi-même ? D'être aliénée par une force extérieure qui vous ôtait toute raison, tout contrôle ? Son heure dernière lui eût-elle été annoncée qu'elle n'en aurait pas été plus bouleversée. Au demeurant, se calquant sur sa prestance, elle refusait d'en rien montrer et se contenta de lui sourire avec cette douceur qu'elle savait être le reflet de son cœur, quand son âme tout entière était entre guerre et paix.
     
    Allons Djem, du courage que diable ! s'obligea-t-il. C'était plus facile hier. Au milieu de tous, malgré la surprise. Ils s'étaient déjà jaugés. Ils s'attendaient. Ils s'espéraient. Alors quoi ! La timidité n'avait jamais labouré la terre en friche de ses pensées. Il était un guerrier. Allait-il rester là tel un benêt ? Se faisant violence, il allongea son pas.
     
    La gorge nouée, plantant dans le sien son regard à peine fardé, elle s'appuya à ce poing qu'il lui offrait pour descendre, glissa de la selle, s'affola du contact de la chemise contre son corsage et ne sut lorsqu'il s'écarta, comme brûlé lui-même de cette proximité, si elle en était soulagée ou désolée.
     
    Il se racla la gorge. Parler. Pour ne pas l'enlacer. L'embrasser. Revenir à l'essentiel. À la sordide réalité. Pour mieux préserver le rêve de sa présence.
    — Avez-vous pris grand soin à n'être pas suivie ?
    — Louis était absent lorsque j'ai quitté la Bâtie.
    — Le sire de Montoison l'attendait. Après votre départ hier soir, ce coq pérorait tant de votre consentement que le grand prieur s'est vu contraint de le ramener à plus de discrétion au regard des vœux que pour l'heure il n'a pas encore brisés. Il semble que la dérogation qu'il attend tarde plus qu'il ne le voudrait.
    — C'est une chance pour no…
    Elle mordit sa lèvre. Lapsus. Rectifier par un singulier ? Après avoir baissé les yeux sur un fard, elle les ramena vers lui. Il la dépassait d'une tête au moins. Il souriait, éclairé par un rai de soleil qui tombait en

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