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Le Chant des sorcières tome 2

Le Chant des sorcières tome 2

Titel: Le Chant des sorcières tome 2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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Bâtie, ses pouvoirs n'avaient fait que croître, agaillardis sans doute par le venin de la vouivre qu'elle portait en elle. Algonde pouvait désormais s'extraire du lieu où elle se trouvait pour en visionner d'autres, sans fermer les yeux, ni même laisser alentour une impression d'absence. Se concentrer sur une personne lui suffisait. Pour l'heure, c'étaient le grand prieur d'Auvergne et le prince turc par son entremise qui exigeaient toute son attention.
     
    Jacques de Sassenage se tenait dans son cabinet auprès de Guy de Blanchefort. Tous deux se trouvaient assis l'un en face de l'autre devant un alcool de noyau qu'ils faisaient tourner dans leur verre.
    — Je comprends votre réserve, mon cher, disait le grand prieur d'Auvergne, mais ne vous laissez pas distraire par le souvenir de ce duel à Saint-Just. Philibert de Montoison a le sang vif, certes, mais c'est un homme valeureux dont je réponds comme de moi-même. Vous ne voudriez pas que la dot de Philippine tombe entre les mains d'un couard, tout de même ?
    — Certes pas.
    — Alors quoi ? Philibert se languit d'elle. Il en est profondément amoureux. Cela ne vaut-il pas mieux qu'un gendre seulement occupé à son profit ?
    — Si fait. Laissez-moi y réfléchir, voulez-vous, et revenons à ce qui vous amène. Vous m'assurez que nul n'aura à se plaindre de ce Djem s'il pénètre mes terres pour chasser ?
    Comprenant qu'il ne pourrait influer davantage sur la décision de Jacques, Guy de Blanchefort vida son verre avant d'enchaîner :
    — Venez juger par vous-même de son affabilité.
    — Ne pourrait-il se contenter des coteaux de Rochechinard que mon voisin Barachim Allemand a si aimablement mis à votre disposition?
    — Allons, Jacques, nous savons vous et moi que les forêts les plus giboyeuses se tiennent sur ce versant, dans cette vallée. Aucun domaine du Royannais n'égale le vôtre, aucune des fêtes, celles que vous donnez ici. Djem est un être exquis, vous oublierez vite qu'il est musulman, croyez-moi.
    — Cet argument dans votre bouche plaide en effet en sa faveur. Soit. Je m'avancerai demain à Rochechinard pour le saluer et en juger.
    — À la bonne heure. Songez aussi qu'accueillir le prince en vos murs favorisera les échanges entre Philippine et Philibert. Ces deux-là finiront par s'entendre. Lors, mon cher, vous vous rendrez à mon jugement, j'en suis convaincu.
    Jacques ne répondit pas. Leur conversation dériva sur d'autres sujets, pour lesquels Algonde n'avait aucun intérêt. Elle s'attacha aux pas de Philibert de Montoison qui longeait les couloirs vers les appartements de Sidonie à l'autre bout du palais. Il s'immobilisa devant la porte et se fit annoncer. C'est Marthe qui l'accueillit. Algonde chassa l'image aussitôt, avant d'être repérée. Elle savait à présent combien elle se trouvait elle-même vulnérable à une introspection de la Harpie dans ces moments-là.
    Ce qu'elle avait appris à Sassenage avant de partir était son seul atout et elle était bien déterminée à en protéger le secret. Dût-elle pour cela jouer tous les rôles qu'on voudrait lui attribuer.

2
    Djem avait repris le goût de vivre. Certes, il était encore et toujours désespérément prisonnier, certes le sire de Montoison collait à ses pas, mais il pouvait désormais chevaucher à bride abattue jusqu'à l'à-pic des falaises les plus escarpées. La veille, en fin de matinée, il avait distancé Philibert de Montoison, pourtant fin cavalier, sautant par-dessus les eaux d'un torrent quand le cheval de l'hospitalier avait piétiné sur la berge. Le temps que Philibert de Montoison traverse, Djem avait eu le sentiment d'être de nouveau libre, talonnant sa bête jusqu'à l'épuisement, tandis que le vent lui portait l'appel furieux de sa garde rapprochée. Il s'était aventuré au grand galop au-delà des limites fixées par le chevalier, pour le simple plaisir de le contrarier. Inspirant l'air fleuri à pleins poumons depuis le sommet de la colline, il s'était accordé une dizaine de minutes de solitude, dans le brouillard qui montait de la vallée, face aux terres devenues invisibles du baron Jacques de Sassenage. Le galop derrière lui s'était rapproché, syncopé sur le granit qui affleurait le sentier. À regret, Djem avait tourné bride pour rejoindre Philibert de Montoison qui fulminait. Anticipant tout reproche, il s'était offert alors le luxe suprême de le toiser avec mépris :
    — Vous servir de chaperon me

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