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Le Chant des sorcières tome 2

Le Chant des sorcières tome 2

Titel: Le Chant des sorcières tome 2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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retourné auprès de votre sultan.
    — Ce fut le cas en effet. Mais il s'avère qu'un délicieux hasard nous a menés tous deux à Rochechinard où nous résidons depuis quelques mois.
    — Le hasard arrange joliment vos affaires.
    Philibert de Montoison ne releva pas l'allusion qu'il devinait mesquine et s'empressa de justifier sa visite.
    — J'accompagne céans le grand prieur d'Auvergne, Guy de Blanchefort, qui est en ce moment même reçu par votre père.
    — Quel est donc ce sultan, chevalier ? s'enquit Catherine de Valmont en ouvrant vers lui de grands yeux ébaubis.
    — Le fils cadet de feu l'empereur turc Mehmed II que les hospitaliers de l'ordre de Saint-Jean tiennent sous haute protection.
    — Un Turc ? Un Turc en terre de France ? Est-ce possible ? s'étrangla le jeune seigneur de Melle, outré.
    — En effet. Un Turc, mais auquel sa mère, chrétienne, a appris nos manières et qui se garderait bien de chercher querelle à ceux-là mêmes qui agrémentent son exil.
    — C'est que j'ai un ancêtre, messire, dont la tête fut tranchée net par un de ces maudits païens, insista Jean de Melle, fier de son importance.
    Un petit cri d'inquiétude et d'horreur échappa à une des damoiselles. Philibert de Montoison ne se laissa pas démonter :
    — Le mien, qui fut sans doute à ses côtés dans la bataille et a rapporté quelques barbiches en trophées, l'a vengé cent fois, mon cher. Rassurez-vous, gentes dames, le prince Djem manie la poésie bien mieux que les armes. Et s'il s'avérait que vous le rencontriez à l'occasion de quelque fête, vous seriez conquises par son exquise amabilité.
    Philippine prit un air songeur.
    — Mon père a-t-il l'intention de l'inviter ?
    — Je l'ignore, mais je l'espère, chère Hélène, car je suis commis à la sécurité du prince. C'est la raison pour laquelle je n'ai pu venir vous présenter mes hommages plus tôt. Je ne le quitte pour ainsi dire jamais.
    — C'est regrettable en effet, mais je vous le pardonne bien volontiers. Et ne vous en voudrai pas davantage de le rejoindre dans l'instant pour le mieux protéger.
    Philibert de Montoison tiqua devant le congé qu'elle venait si finement de lui adresser. Il en refoula l'humiliation dans un sourire mielleux et s'acquitta d'une révérence.
    — Je vous sais gré de le comprendre. Je vous souhaite une belle journée.
    — Qu'il en soit de même pour vous, mon cher Philibert.
    Il repartit comme il était venu et Algonde releva la tête qu'elle avait délibérément gardée baissée.
    — Un Turc, est-ce possible ? insistait le petit nobliau pour garder de son importance.
    Depuis que Philippine lui avait accordé quelques pas de danse, il puait d'arrogance. Algonde en était lassée. Elle se tourna vers lui :
    — Et pourquoi pas ? Nous avons bien des coqs en cette basse-cour…
    Un instant, il la fixa sans comprendre, l'air hébété, puis, rattrapé par l'éclat de rire qui avait emporté Philippine, il vira au carmin.
    — Co… Co… Co… bégaya-t-il de colère.
    — Là ! Voyez, que disais-je ? poursuivit Algonde dans une grimace fataliste en tournant ses mains vers le plafond.
    On pouffa plus fort alentour. Il se dressa, profondément vexé :
    — Certaines choses ne prêtent pas à rire, dame Algonde !
    — Je vous l'accorde, messire Jean, mais d'autres sujets me semblent plus graves que la présence de ce prince en notre voisinage.
    — Comme ?
    — Les tracasseries que l'on fait à Pierre et Anne de Beaujeu concernant la tutelle qu'ils exercent sur notre jeune roi ou encore la peste qui gagne par l'est, sans parler du blé qui a pourri sur pied. Voulez-vous que je continue ?
    Il se rassit en maugréant et Philippine tapa dans ses mains pour détendre l'atmosphère, d'un coup alourdie des malheurs qui tenaient la France. Aussitôt un air joyeusement rythmé explosa dans la salle. Philippine se tourna vers le bougon :
    — Ne faites pas cette tête, mon cher Jean, ou je finirai par croire que vous nous couvez quelque chose.
    Il la foudroya du regard.
    — Et invitez-moi plutôt à danser…
    Sa colère retomba aussitôt. Il se leva, de nouveau empli de morgue, et lui offrit son poing pour descendre l'escalier, tandis que les musiciens, un instant interrompus par l'intrusion de l'hospitalier, reprenaient un branle. Algonde suivit les évolutions des danseurs au milieu de la pièce, l'esprit ailleurs déjà, bien loin de ces futilités.
    Depuis qu'elle était à la

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