Le Chant des sorcières tome 3
sur lui que le ridicule tomberait.
Tandis que le soldat partait à la course, Philibert se précipita chez la seule personne suffisamment au fait des souterrains pour avoir guidé les fugitifs. La seule qui y avait intérêt et était assez diabolique pour l'avoir manœuvré.
28
Marthe l'accueillit sans surprise au seuil des appartements du baron Jacques et de Sidonie, occupés à s'apprêter.
— Qu'as-tu donc fait, sorcière ? tonna Philibert avec humeur depuis le couloir où elle le laissa planté.
— Cesse de vociférer, lui intima-t-elle seulement avant, tout simplement, de lui claquer la porte au nez.
Rendu plus furieux encore par cet accueil, Philibert de Montoison passa par l'autre côté et força son logement. Elle l'y attendait déjà dans la sobriété glaciale de sa chambre, les bras croisés.
Il promena devant son visage affreux un doigt menaçant.
— Où sont-ils ?
— Là où ils devraient être depuis plusieurs semaines déjà. Occupés à te cocufier !
Le sang quitta le visage de Philibert. Ainsi donc il ne s'était pas trompé. Leur fuite était bien l'œuvre de cette diablesse. Il recula.
— Ce mariage n'était donc pas ce que tu voulais ?
Marthe avait beau jeu. Elle le devait à Mathieu qui était venu la prévenir d'avoir vu filer Nassouh et les deux tourtereaux au fond du parc, alors qu'il s'était écarté du fournil pour déféquer. Ce garçon était plus fiable que l'individu sans scrupule qui se dressait devant elle. Elle passa une langue gourmande sur ses lèvres au souvenir de la récompense qu'elle lui avait donnée avant de tendre sa main vers le sire de Montoison, de la refermer lentement et de la descendre jusqu'à terre. Suivant le mouvement et sans qu'elle l'eût touché, Philibert se retrouva à genoux, manquant d'air comme si on le tenait au col.
— Nous avions passé un arrangement, il me semble. N'avais-je pas dit que je voulais un fils de ces deux-là ? Ne l'avais-je pas dit, Philibert de Montoison ?
— Si… fait… approuva-t-il, étranglé.
— Ton orgueil est un mauvais maître, mais je le suis plus encore. Une rotation de plus et tu meurs à mes pieds. Une seule.
Elle s'accroupit et amorça le mouvement, satisfaite de la panique en ses yeux, de son visage qui bleuissait.
— Je n'aime pas qu'on me trompe. Je n'aime pas qu'on me menace.
Un quart de plus. Les yeux se voilèrent, la langue sortit dans un râle.
Elle maintint la pression une fraction de seconde puis écarta les doigts brusquement, le libérant. Philibert de Montoison s'écroula sur le plancher. De la pointe de son pied, elle le fit rouler sur le dos, hagard, le souffle court.
— Ils sont au vieux pigeonnier, à l'extrémité nord-ouest de l'enceinte extérieure. Je n'ai qu'une parole. Puisque j'ai eu ce que je voulais, dans deux heures tu seras marié.
Elle tourna les talons, sûre de son fait, et retourna auprès de Sidonie qu'elle devait coiffer.
Philibert fut long à récupérer assez de forces pour s'y précipiter. Mieux valait qu'il fût seul pour régler cette affaire. Il gagna l'écurie. Un de ses hommes en sortait, la mine grave.
— Il manque trois chevaux. Les meilleurs, lui servit celui-ci.
— Fais seller les nôtres, ordonna Philibert d'une voix rauque encore.
Sitôt montés, ils les talonnèrent de concert dans la direction indiquée. Dix minutes plus tard, ils visitaient les lieux, trouvèrent des vêtements de laquais abandonnés mais pas âme qui vive à l'exception d'une chouette endormie.
Explorant les alentours, ils découvrirent la poterne et les traces de sabots trop hâtivement masquées de l'autre côté.
S'il n'avait eu autant de rage au cœur, Philibert aurait ricané de satisfaction de croire que Marthe aussi avait été jouée.
Il pivota vers l'homme qui l'accompagnait.
— Retourne au château. Préviens Guy de Blanchefort et le baron. Qu'ils se hâtent derrière moi avec force armée et annoncent que les noces seront retardées.
— Dans quelle direction dois-je leur dire d'aller ?
Philibert de Montoison huma l'air déjà lourd de cette matinée, les yeux rétrécis, le front plissé de réflexion, avant de se décider.
— Le Piémont. Bien que le duc de Savoie se soit fait discret ces derniers mois, Djem sait pouvoir compter sur son soutien. Il n'y a que chez lui, à Turin, qu'ils peuvent se réfugier.
L'instant d'après, ils se séparaient. Il était dix heures, et Philibert de Montoison en cravachant sa
Weitere Kostenlose Bücher