Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Chant des sorcières tome 3

Le Chant des sorcières tome 3

Titel: Le Chant des sorcières tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
Vom Netzwerk:
t'habiller. En silence pour ne pas alerter le garde, de l'autre côté.
    Philippine obéit, par réflexe, et se dirigea d'un pas résigné vers sa robe de mariée.
    Algonde l'arrêta par le coude, un sourire aux lèvres.
    — Essaie plutôt ceci, c'est davantage de circonstance.
    Philippine fronça les sourcils devant les vêtements de laquais qu'on lui tendait, et tout à la fois s'aperçut qu'Algonde elle-même était en livrée d'homme. L'incongruité de la chose lui donna à penser qu'elle rêvait. Algonde se hâta de la détromper en la prenant par les épaules.
    — Tu ne te maries plus, est-ce donc si difficile à comprendre ? chuchota-t-elle à son oreille.
    Philippine la fixa, la bouche ouverte.
    — Non ?
    — Non. Mais il faut se hâter.
    Philippine hocha la tête. Si c'était un rêve elle n'en voulait pas d'autre ! Quelques minutes plus tard, son miroir en pied lui renvoya une image d'elle qu'elle ne reconnut pas. Rien ne la différenciait d'un des serviteurs de cette maison.
    Elle avait repris ses esprits, nourrie au fil des minutes du regard tendre d'Algonde. Chargé de promesses. Elle s'en voulut d'avoir douté des siens mais garda pour plus tard excuses et regrets.
    — Le garde ? demanda-t-elle.
    Algonde se dirigea vers la fenêtre ouverte, jeta un œil en contrebas.
    — De ce côté c'est dégagé.
    Philippine fut prise d'un vertige.
    — Tu ne comptes tout de même pas que je…
    — Djem l'a déjà fait.
    L'objection de Philippine mourut sur ses lèvres. Elle comprenait tout, soudain. Ils allaient fuir, l'un et l'autre. Ensemble. Cette évidence la gonfla d'une énergie nouvelle. Algonde se pencha sous le lit et récupéra une corde qu'elle y avait dissimulée dans la journée. Elle la noua solidement au meneau puis enjamba la croisée.
    — Laisse-toi glisser le long. Je t'attends en bas.
    Philippine la regarda descendre puis lui faire signe depuis le sol avant de se rencogner dans l'ombre.
    À son tour, elle enfila une paire de gants pour se protéger les mains, respira un grand coup, serra la corde, passa le rebord et ferma les yeux.
    Sitôt que ses pieds eurent touché l'herbe, Algonde repoussa le chanvre contre le mur.
    — Vite, chuchota-t-elle en l'entraînant par la main.
    Rasant la muraille, elles tournèrent l'angle du bâtiment avant de se mettre à courir vers le couvert des arbres du parc.
    Algonde la mena sans faillir jusqu'à l'ancien pigeonnier désaffecté où elle avait dissimulé l'œuf noir. Non loin se trouvait une poterne dans la muraille de l'enceinte extérieure. Petite porte barrée de deux traverses en temps normal pour décourager les intrus, elle était ouverte lorsqu'elles parvinrent à proximité.
    Sitôt le seuil franchi, Philippine retrouva Nassouh déjà en selle et Djem qui piaffait d'impatience, plus sûrement que les deux chevaux qu'il tenait par le licol. Philippine les reconnut sans peine, c'étaient ceux que son père et lui avaient achetés à Auberives-en-Royans. Elle se jeta dans les bras de son aimé.
    — Plus tard, tempéra Algonde. Il vous faut partir.
    — Mais toi ? s'effraya soudain Philippine en s'écartant à contrecœur.
    — Je sais où te trouver. Et lui où te mener. Ne tardez pas davantage. Le sire de Montoison ne sera pas long à se lancer sur vos traces même si je masque celles-ci.
    Philippine l'embrassa sur la joue avant de se mettre en selle. Un dernier signe de la main, et ils tournaient bride dans la nuit étoilée.
    *
    Algonde se changea dans le pigeonnier, puis, redevenue elle-même, gagna d'un pas vif les communs du château où l'on s'activait en tous sens. Sous l'appentis, Mathieu suait à grande eau devant les fours, chargeant et déchargeant les plaques au rythme des miches façonnées par les panetiers. Il lui tournait le dos et elle profita de quelques minutes pour le regarder travailler, reprise par le souvenir des heures heureuses où, l'aube pointant sur le château de Sassenage, elle surveillait avec lui la cuisson des brioches. Certes, privé de l'usage normal de sa main droite, il n'avait plus la dextérité exceptionnelle d'autrefois, mais il ne dépareillait pas au milieu des quatre autres.
    Elle sourit, huma le parfum chaud des croûtes dorées à point et s'arracha à sa nostalgie. Trop occupé à sa tâche, Mathieu ne l'avait pas remarquée. Inutile de le déranger tant qu'elle n'aurait pas parlé à son patron. Elle s'enfonça sous le porche et franchit le seuil de la bâtisse, blanchie du sol

Weitere Kostenlose Bücher