Le Chant des sorcières tome 3
L'étreinte de cette nuit était encore présente en son cœur et son corps. Promesses et serments échangés lui donnaient toutes les audaces.
Elle se rapprocha de Djem à le toucher et releva le menton de défi devant le cheval qui piétinait en roulant des yeux fous. L'écume aux naseaux, comme son maître dont les cernes charbonneux accusaient encore la cruauté, il était visiblement épuisé.
— C'est fini, prince. Rengainez vos armes, jeta le chevalier.
Djem ne se laissa pas démonter par si piètre argument et se contenta d'armer plus solidement son poignet. Philippine l'avait compris aussi. Pas de poussière à l'horizon. Si le sire de Montoison constituait l'avant-garde, les hospitaliers étaient loin derrière.
— Plutôt mourir ! vociféra-t-elle, les yeux noirs.
Philibert n'en douta pas un instant.
Il tira son épée du fourreau, sauta à bas et claqua une main sur la croupe de l'animal qui se cabra, les forçant à reculer, avant de démarrer en direction de l'écurie, attiré par ses congénères.
Ils se retrouvèrent face à face. Trois contre un. Poussant Philippine en retrait, Djem fit un pas en avant.
— C'est une affaire entre toi et moi, Montoison. Réglons-la à la loyale, déclara Djem en levant la pointe de son cimeterre.
— Rien ne saurait me plaire davantage…
Nassouh empoigna d'autorité le bras de Philippine.
Elle se laissa entraîner vers la porte de l'auberge, les yeux rivés sur ces deux hommes qui allaient se battre à mort pour elle. Philibert de Montoison, pour la deuxième fois. Elle était livide.
Déjà, les lames bien assurées en main étincelaient sous le soleil tandis qu'ils imprégnaient l'espace clos de leurs pas mesurés. Les deux hommes se jaugeaient, les yeux dans les yeux.
— Restez à l'intérieur, intima Nassouh à Philippine depuis le seuil.
Elle se hissa sur la pointe des pieds pour voir au-delà de lui. Retint un cri d'angoisse.
Djem fondait sur Philibert. Les lames s'entrechoquèrent avec fracas. Philippine sursauta. Nassouh la prit aux épaules, rassurant.
— Il ne lui arrivera rien. Je veille.
Et pour l'empêcher de ressortir, il se planta dans l'embrasure de la porte ouverte, les bras croisés.
Face à lui, Djem et son adversaire s'affrontaient à présent dans une même haine.
L'aubergiste et son fils s'étaient rendus chacun devant une des fenêtres qui couraient le long de la salle rectangulaire.
— Qu'est-ce donc que tout ça ? demanda le père.
Angoissée à l'extrême, Philippine ne l'entendit pas et ouvrit en grand la croisée la plus proche de la porte pour ne rien perdre de la scène, renvoyant l'homme à sa propre observation.
Dehors, les rivaux se heurtaient à présent avec violence.
Djem avait compris dès le premier assaut que Philibert voulait gagner du temps. Il en déduisit qu'il en avait peu devant lui avant que l'endroit ne soit cerné. Cela décupla ses forces, sa hargne, s'il lui en fallait encore. Envolée, la fatigue. Les muscles bandés par le plaisir qu'il prenait à cet échange tout autant que par la nécessité d'en finir, il révéla tout son art guerrier.
Philibert de Montoison l'avait vu combattre à Poët Laval, cette nuit épique de la trahison de Mounia. Le chevalier savait que seul, il n'avait aucune chance. Il aurait été mieux inspiré d'attendre les autres, sans nul doute à quelques lieues derrière. Mais à dire vrai, il n'avait pas réfléchi, pressé de changer de monture et de grignoter encore du temps sur eux. Lorsqu'il les avait reconnus dans la cour, il était trop tard pour reculer.
Tout ce qu'il pouvait faire pour se venger était de les retarder le plus possible avant de mourir.
C'était exactement ce que Djem voulait empêcher.
Il taquina tant son adversaire qu'il l'entailla à l'épaule et le força à se défausser légèrement. Sans le savoir, Philibert de Montoison venait de lui offrir l'ouverture qu'il cherchait. Utilisant l'espace concédé par cette échappatoire, Djem se ramassa sur ses genoux et se mit à tournoyer sur lui-même de plus en plus vite à la façon des derviches, le sabre à l'horizontale au-dessus de sa tête.
Philibert de Montoison sauta par le côté pour s'en défendre, mais le tranchant de la lame lui entailla profondément les côtes et le biceps en le repoussant vers l'arrière. Son épée mordit la poussière. Privé de souffle, il tituba, tandis que, redressé à la force des cuisses dans son mouvement tournant, Djem balayait
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