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Le Chant des sorcières tome 3

Le Chant des sorcières tome 3

Titel: Le Chant des sorcières tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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toujours l'air de sa lame.
    Philibert de Montoison n'eut que le temps d'un regard fataliste en direction de la façade. La dernière image qu'il accrocha fut le sourire revanchard de Philippine.
    Ce 29 juillet 1484, la tête de Philibert de Montoison détachée du reste de son corps roula à terre aux pieds du prince Djem, et Philippine de Sassenage qu'il avait tant torturée horrifia les gens de la maisonnée en poussant un cri de joie.
     
    À peine se fut-elle précipitée derrière Nassouh dans la cour pour sauter au cou de son amant, que l'aubergiste referma le battant. En moins d'une minute, portes et volets rabattus étaient tous barrés de l'intérieur. La distraction passée, ne restait plus que la peur de ces gens d'être à leur tour massacrés.
    Philippine ne s'en aperçut pas.
    En une fraction de seconde, dans les bras de Djem qui la pressait contre lui, devant ce corps décapité qui tressautait encore, à côté de ce visage ensanglanté aux yeux grands ouverts, elle venait de comprendre que, contrairement aux apparences, Philibert de Montoison avait gagné.
    — Il faut partir. Vite, murmura Djem à son oreille d'une voix essoufflée.
    Philippine s'écarta pour darder sur lui toute la détresse de son regard.
    — Tu pars. Vous partez. Je reste.
    Il tressaillit.
    — Je vous ralentirais, tu le sais. Or le temps nous est plus compté que jamais et je te veux libre, Djem, je te veux libre pour mieux te retrouver.
    — Elle a raison, intervint Nassouh.
    Djem le savait, mais tout en lui refusait d'abandonner cette femme qui se sacrifiait.
    Philippine leva une main pour caresser le visage défait de l'homme qu'elle aimait, s'imprégner de sa peau une fois encore. Les yeux, d'ordinaire d'un bleu intense pailleté d'or, semblaient une mer déchaînée. Les poils de la barbe, négligée ces derniers jours, mangeaient le haut de ses pommettes creusées d'épuisement.
    Algonde avait dit vrai, songea-t-elle. Leur fils naîtrait velu, comme la prophétie le voulait. L'excessive pilosité de Djem sous ses doigts la nuit dernière le prouvait. Oui. Leur fils naîtrait. Il aurait besoin d'un père pour le protéger de cette malédiction dont Philibert de Montoison avait été un des instruments.
    Puisant dans cette certitude, elle prit Djem aux épaules, et écrasa son souffle au coin de ses lèvres.
    — Va, je t'en conjure. Sauve-toi, mon amour.
    Djem étouffa sa supplique dans un long baiser.
    Qui pouvait dire quand ils se retrouveraient ?
    Un bruit de sabots frappa le sol. Nassouh avait choisi deux chevaux frais. Philippine et Djem s'arrachèrent à leur étreinte désespérée. Les mâchoires serrées, Djem prit le licol de la main du tchélébi. Ils enfourchèrent les montures à cru, d'un même élan. Avancèrent de quelques pas sur le gravier de la cour. Dépassèrent Philippine en direction du portail.
    Djem tourna la tête en arrière. Il ne parvenait pas à la quitter.
    La douleur en elle fut foudroyante. La détermination aussi. Elle se jeta au cul de son cheval et, avec violence, lui frappa la croupe pour le faire détaler. Djem fut emporté. Ils passèrent sous le porche, obliquèrent sur la gauche et disparurent à sa vue.
    Philippine resta un long moment immobile dans le silence revenu, la main et le cœur en feu, à fixer le regard sur la route.
    Elle finit par vaciller.
    Au moment où la porte de l'auberge s'ouvrait pour laisser ressortir le tenancier, elle tombait à genoux sur le sol poisseux de sang, la tête entre les mains.
    L'homme se figea sur le seuil avant de se signer.
    Quel que soit cet être, s'il se repentait, le cri qu'il poussait n'avait rien d'humain, il aurait pu en jurer.
     

31
    Lorsque Guy de Blanchefort et Jacques de Sassenage, escortés d'une troupe de trente hommes constituée pour la moitié d'hospitaliers, parvinrent sur les lieux quatre heures plus tard, ils trouvèrent Philippine assise sur un banc contre la façade de l'auberge que le dîner avait remplie de nombreux voyageurs.
    À l'exception de quelques rochers affleurant le sol légèrement rougis encore, rien ne trahissait le drame qui s'était joué là.
     
    Inquiet pour la réputation de son établissement, le propriétaire n'avait pas été long à réagir.
    L'inconnu esseulé, en larmes au milieu de sa cour, n'ayant pas l'air bien dangereux, sa bonhomie naturelle avait repris le dessus.
    Tandis qu'il ordonnait à son fils de rabattre la double porte de l'enceinte pour empêcher quiconque d'entrer dans la

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