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Le Chant des sorcières tome 3

Le Chant des sorcières tome 3

Titel: Le Chant des sorcières tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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qui, à présent, les tenaillait, les dénivelés constants du sentier de montagne et la chaleur orageuse les avaient épuisés, ainsi qu'ils l'avaient craint, autant que leurs bêtes.
    Il était quatre heures de l'après-midi lorsqu'ils durent s'arrêter dans un relais baptisé Le Bois joli .
    Passé le portail massif à double battant, par-delà la vaste cour intérieure au sol ratissé, la bâtisse tout en longueur formait cuisine et salle à manger au rez-de-chaussée et chambres à l'étage. Perpendiculaires au bâtiment se trouvait l'écurie, qui accueillait une vingtaine de chevaux, et une grange. Il y avait aussi une basse-cour, un potager et un cimetière piqué de deux croix protégées par une toute petite chapelle.
    Tandis que le palefrenier, un jouvenceau d'une dizaine d'années au visage grêlé, pansait leurs montures harassées et en préparait d'autres, tous trois vinrent s'attabler dans la grande salle du bâtiment couvert de lierre. Elle était déserte, rares étant les voyageurs qui s'attardaient aux relais hors les heures de repas ou de nuitée.
    À l'aubergiste, un homme avenant, ils commandèrent un plateau de fromages et du lait de chèvre, puis s'enquirent de la distance qui les séparait de Turin.
    — Deux jours de cheval à peine, les rassura l'aubergiste, avant d'ajouter : C'qui est dommage, c'est qu'vous ayez raté not'duc. Ici à Bardonecchia, c'est toujours un honneur de le voir passer.
    D'un même élan, leurs cœurs cessèrent de battre.
    — Le duc de Savoie n'est pas à Turin ? s'inquiéta Philippine en forçant sa voix pour la masculiniser.
    L'homme gratta son crâne abondamment chevelu, le révélant aussi pouilleux sans doute que la pièce, infestée d'une dizaine de chats.
    — Il y sera demain… Vous v'lez pas un trop de pâté de lapin aussi ?
    Il demeura avec sa question et sa commande sur les bras, ballants de surprise. Poussés par le même diable, ses trois clients avaient bondi de leurs bancs pour se précipiter vers la porte.
    — Eh ben ? leur cria-t-il avant qu'ils ne la franchissent.
    — Plus le temps ! lui jeta Philippine, rongée de détresse.
    Il leur fallait coûte que coûte rattraper la caravane du duc, qui de toute évidence les devançait de peu.
     
    Sans autres mots échangés, ils se retrouvèrent dans la cour intérieure lorsque le regard de Nassouh accrocha au-delà du portail, sur la route, la silhouette d'un cavalier qui approchait au grand galop. Il était visiblement aussi pressé qu'eux d'atteindre Turin. Deux, trois minutes au plus et il serait dans la place. Nassouh le regarda s'avancer quelques secondes avant de retenir d'une main inquiète le coude de Djem qui venait d'attraper les rênes de son cheval, tendues par le palefrenier. Tandis que la damoiselle se mettait en selle devant la façade de l'auberge, Djem tourna les yeux vers le porche. Comme Nassouh, il fronça les sourcils, résigné.
    Cet homme-là, il l'eût reconnu entre mille.
    Philibert de Montoison les avait rattrapés.
     
    Djem rendit l'animal au garçon d'écurie, qui s'éloigna avec sans discuter.
    — Écarte Hélène, déclara froidement Djem à Nassouh avant de s'avancer au mitan de la cour.
    Le tchélébi ne put s'en acquitter.
    Déjà, Philippine, alertée par la réaction de Djem, avait perçu elle aussi le danger. Elle sauta à terre et se précipita vers son amant qui, bien campé sur ses jambes légèrement écartées, avait choisi d'affronter son rival.
    — Ensemble, jusqu'au bout, décréta-t-elle avec courage et détermination.
    Elle aussi voulait soutenir le regard de Philibert de Montoison, légitimer enfin ce qu'elle avait si longuement caché.
    Djem hocha la tête. Non seulement il comprenait, mais il n'avait plus le temps de la convaincre.
    Il dégrafa son mantel léger et arracha le cimeterre de sa ceinture sous le regard ébahi du garçon d'écurie venu s'occuper des deux autres chevaux. Terrifié, le jouvenceau abandonna les bêtes qui d'elles-mêmes regagnèrent leur abri, pour foncer dans la bâtisse et prévenir le tenancier, son père.
    Arme au poing, Nassouh se posta près de Philippine.
    Tous trois étaient prêts.
     
    Rongé de rage, Philibert de Montoison tira sur le mors pour immobiliser sa monture dans un nuage de poussière. Crotté par le voyage, son habit de noces qu'il n'avait pas pris la peine de quitter avait aussi méchante mine que lui.
    Philippine en frémit. Pour rien au monde elle ne laisserait ce chien la reprendre.

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