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Le Chant des sorcières tome 3

Le Chant des sorcières tome 3

Titel: Le Chant des sorcières tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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le bas, par le haut. À voir tout le sang que j'ai perdu, j'ai bien cru y être arrivée, mais non. Il bouge en moi et cela m'effraie. C'est terrible à dire et le Seigneur me punira sans doute, mais je ne le veux pas, Algonde, et ne sais comment faire pour m'en débarrasser.
    Algonde hocha la tête, l'air grave soudain devant sa détermination.
    — N'essayez rien surtout qui vous mette en péril. Pas d'aiguille. Vous me le promettez ?
    Marie haussa les épaules, désabusée.
    — Je suis trop lâche pour me mutiler. Je m'inquiète juste de mes réactions lorsqu'il sera né. Bien qu'il se croie le père, Laurent ne le légitimera pas, j'en suis persuadée.
    Une image passa devant les yeux d'Algonde. Une image aussi rassurante que terrifiante. Elle frissonna. Darda sur Marie un visage durci par sa vision.
    — Vous allez lui écrire que vous avez perdu cet enfant et que vous l'engagez à tenir sa promesse de vous épouser. Dès le printemps. Hélène contresignera votre lettre.
    Surprise par le ton impersonnel de sa voix, plus encore que de sa face, livide, Marie sursauta.
    — Vous déraisonnez, Algonde. Il verra bien que….
    — Il ne verra rien. Vous accoucherez et abandonnerez cet enfant aux soins d'une nourrice, ici, à Bressieux. Il sera élevé avec Elora. Si de l'amour vous vient, vous saurez où le trouver. Sinon, il grandira sans apprendre votre lien de parenté.
    Marie se mit à trembler, consciente que quelque chose de surnaturel traversait les traits figés de la damoiselle. Quelque chose qui pourtant ne perturbait pas Elora dans sa tétée.
    Elle s'en défendit.
    — Mais Hélène ? et son époux ? Que vont-ils penser ?
    Regagnant brusquement ses couleurs, Algonde lui sourit avec bienveillance.
    — Ils s'accorderont à mes vœux, soyez sans crainte.
    Un long silence les enveloppa toutes trois, meublé du crépitement de l'âtre. Algonde le rompit de nouveau.
    — Réfléchissez, Marie, qu'avez-vous à perdre ?
    La damoiselle de Dreux se relâcha. L'espoir renaissait sur ses traits. Elora, repue, babillait en pétrissant le sein d'Algonde de sa petite main.
    — Rien, vous avez raison. Mais vous, qu'aurez-vous à y gagner ?
    Les yeux rivés sur le visage poupon de sa fille, Algonde répondit d'une voix troublée :
    — Un jour, cet enfant que vous rejetez rachètera toutes les fautes de son père en sauvant ce que j'ai de plus cher au monde. C'est pour cette seule raison que vous le portez…
    Elle fixa le visage devenu livide de Marie.
    — … C'est pour cette seule raison que vous l'avez gardé.
     

36
    Lorsque Jacques de Sassenage pénétra dans la chambre, les volets intérieurs étaient rabattus sur la blancheur neigeuse du jour. Seul un feu timide brûlait dans la cheminée. Refermant la porte, Jacques fronça les yeux pour s'habituer à la pénombre avant de distinguer la silhouette de Jeanne de Commiers, près de la croisée.
    — Approchez, mon époux…
    La voix était ferme, comme lorsqu'elle lui avait dit d'entrer. À l'inverse, sa nervosité à lui n'avait cessé de croître.
    — Je suis navrée de vous recevoir de semblable manière… La migraine, s'excusa-t-elle.
    Jeanne y avait toujours été sujette, du plus loin qu'il se souvenait. Son inquiétude retomba. Au fond, se dit-il, cette obscurité le servait. Elle masquait les outrages du temps sur son visage, et même ses sentiments, écornés de la présence de Sidonie à ses côtés.
    Il devina une main qui se tendait vers lui et sans hésitation vint la prendre. Il la porta à ses lèvres avant d'y nicher sa joue, retrouvant en l'odeur de sa peau une fragrance rare, jamais égalée. Remplacée seulement. Oui, seulement remplacée, voulut-il se convaincre.
    — J'ai eu si peur. Si peur, Jeanne, qu'on ne vous ait blessée, affirma-t-il.
    Elle ne répondit pas. Sa gorge à elle était bien trop nouée de cet amour immense qui s'en était allé, de leurs destins écartelés.
    Il l'attira à lui, fouilla son visage pour en reconnaître les traits. Pensa à Sidonie. S'en voulut.
    — Embrasse-moi, supplia-t-elle en ramenant ses doigts écartés dans sa chevelure épaisse et bouclée. Embrasse-moi Jacques, comme hier. Comme avant.
    Elle l'attira à elle.
    Leurs souffles se mêlèrent.
    Celui de Jacques cherchant à tromper ses émotions. Celui de Jeanne à les retrouver.
    Pour s'avouer enfin le même constat désespéré. Ils n'étaient plus l'un pour l'autre ce qu'ils avaient été.
    Ils s'étreignirent pourtant

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