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Le Chant des sorcières tome 3

Le Chant des sorcières tome 3

Titel: Le Chant des sorcières tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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Marthe.
    Empêcher celle-ci de les suivre n'avait pas été facile. Il avait fallu qu'Aymar de Grolée assure que ni lui ni Philippine ne s'opposeraient à elle, que Mathieu jure de la venir chercher dès que le travail commencerait, et qu'Algonde lui promette de lui remettre le nouveau-né. Sinon, avait-elle menacé, elle raserait la contrée. Algonde ignorait encore comment elle déjouerait ses projets ignobles tout en protégeant ceux qu'elle aimait. Elle ne voulait pas y penser, certaine que, le moment venu, tout s'orchestrerait pour donner un sens à la prophétie.
    Lors, elle jouissait du moment présent. Du rire d'Elora, des caresses de Mathieu, des nouvelles de Djem qui étaient arrivées, rassurant Philippine. De la complicité grandissante de cette dernière et de Marie de Dreux. Complicité qui lui laissait sa place en l'allégeant ainsi qu'elle l'avait espéré.
    Oui, Algonde était heureuse.
    Heureuse de tout et de rien, comme on peut l'être quand on sait que cela ne durera qu'un temps.
     
    — Vous rêvez, Algonde ?
    Ramenée à la réalité par la voix douce de Marie de Dreux, Algonde s'arracha à la fenêtre à meneaux devant laquelle elle s'était plantée.
    — La neige commence à tomber, dit-elle. C'est tôt, cette année.
    — Mais à bénir. Le froid apportera une accalmie dans les villages touchés par la mort noire, lui rappela Marie en frottant la vitre embuée d'un mouvement circulaire pour y plaquer son nez.
    Elle frissonna.
    — C'était effrayant, lorsqu'elle s'est installée à Romans. Des quartiers entiers ont été décimés, les morts entassés dans des charrettes, jetés en fosse commune et recouverts de chaux, les maisons incendiées. On a cru un moment que l'ensemble de la ville brûlerait malgré les coupe-feu. Le ciel a flamboyé des nuits entières. Et puis un matin, il s'est mis à pleuvoir des cendres. C'était fini. Il y a eu une immense procession. C'est l'annonce du tournoi qui a ramené la joie dans la cité.
    Tout en l'écoutant, Algonde s'était dirigée vers Elora qui, affamée, poussait de petits cris stridents dans son lit.
    — J'imagine que cela a dû être terrible pour vos parents qui découvraient soudain le calvaire vécu par votre frère, dit-elle avec compassion en enlevant la petiote dans ses bras.
    — Oui. D'autant qu'ils s'effrayaient de me perdre aussi. Je venais d'arriver lorsque la quarantaine a été votée.
    Marie s'écarta à son tour de la croisée pour la regarder s'installer avec l'enfançonne dans un faudesteuil. Déjà, Elora fourrageait de ses mains impatientes dans le corsage de sa mère.
    Les seins lourds encore, Algonde allaitait toujours sa fille. Elle avait bien essayé de la mettre en nourrice comme on le lui avait conseillé, mais Elora n'avait voulu d'autre lait que le sien. Algonde n'y trouvait rien à redire quant à elle, car elle y voyait un double avantage. Le premier du lien fort dont toutes deux se nourrissaient, le deuxième de sa stérilité. Ses menstrues n'étant toujours pas revenues, Algonde ne courait aucun risque d'être de nouveau enceinte à un moment où elle devrait dégager toute son énergie et son courage pour contrer Marthe.
    Marie vint s'installer à côté d'elle, les yeux rivés sur la bouche d'Elora qui s'était jetée sur le téton turgescent de sa mère.
    — Est-ce douloureux ? demanda-t-elle.
    Émue, Algonde caressa les cheveux d'or de la petiote, écartant les boucles souples du front.
    Elle releva la tête.
    — Un peu depuis quelques jours. L'ébauche des premières dents je pense.
    Marie grimaça.
    — Je ne pourrai pas, dit-elle.
    Algonde lui sourit.
    — Mais si, vous verrez. C'est somme toute très naturel…
    Marie se troubla.
    — Non, vous ne comprenez pas. Je ne pourrai pas aimer l'enfant que je porte, Algonde. Et pour tout vous avouer, je le hais.
    Un instant, son visage l'exprima tant qu'il perdit toute grâce. Marie dut s'en rendre compte, car elle se détourna vers la fenêtre.
    — Je suis comme ces cristaux dehors, nourrie d'un froid si grand qu'aucune lumière ne pénètre en moi, dit-elle avant de soupirer bruyamment et d'ajouter : Je vous ai menti l'autre jour. Par honte sans doute. C'est Philibert de Montoison le père, je le sais.
    — Je comprends, assura Algonde.
    Rassurée par l'empathie de sa voix, Marie revint vers elle :
    — J'ai essayé de le faire partir, savez-vous ? Une potion que m'a donnée une sorcière. J'en ai été malade huit jours, me vidant par

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