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Le Chant des sorcières tome 3

Le Chant des sorcières tome 3

Titel: Le Chant des sorcières tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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d'une vingtaine d'hommes, Aymar de Grolée oscillait entre la joie et la tristesse. La joie de savoir que Jacques de Sassenage, loin de s'opposer à leur amour naissant, le bénissait, et la tristesse du devenir de cet enfant que Jeanne portait. Il avait convaincu son aimée de prendre quartier dans la maison forte qu'il possédait à Saint-Pierre-de-Bressieux. Un souterrain reliait les deux bâtisses, qui permettrait de se moquer des intempéries le moment venu. Jusque-là et bien que Jeanne brûlât d'envie de serrer Philippine dans ses bras, il valait mieux qu'elle s'abstienne de se montrer. Marthe ne devait rien soupçonner.
    Jeanne avait accepté une fois encore sa réclusion et son martyre. Parce qu'elle était la seule à ne plus douter. Les choses se dérouleraient telles que sa vision l'avait annoncé.
    Forte de la foi qui la portait, c'est en chantonnant qu'elle avança dans cet automne glacé.
     

37
    Depuis sept mois qu'elle partageait le quotidien des pensionnaires du harem Homayoun, Mounia avait eu le temps d'y réfléchir. Elle accoucherait trois mois avant le terme officiel. Aucune de ces femmes, mères pour la plupart, ne serait dupe. La Khanoum imaginerait que Djem était le père. Bayezid, à l'inverse, désignerait le sire de Luirieux. Quoi qu'il en soit, l'un comme l'autre se verraient trompés et Mounia ne donnait pas cher de sa vie et de celle du nouveau-né. Discrètement, elle avait examiné toutes les possibilités d'évasion, avant d'arriver à la conclusion que sa prison était trop bien gardée. À moins de s'élever par les airs, c'était impossible. Et quand bien même elle aurait eu quelque magie pour l'aider, les archers auraient eu raison de sa témérité. Lors, elle s'était attachée la Khanoum en lui racontant la légende des Hautes Terres. Autant dans l'espoir d'apprendre ce que tramait Bayezid, dont elle n'avait plus de nouvelles, que pour convaincre sa mère de l'importance qu'elle revêtait. La Khanoum la choyait, mais sans donner plus de corps à ce qu'elle espérait. Du coup, sous son apparente docilité et sa résignation, Mounia se rongeait les sangs.
    Bien que toutes se soient habituées à sa présence, l'Égyptienne sentait combien on la haïssait. Haine entretenue soigneusement par Ihda, la première épouse de Bayezid, qui craignait de reperdre sa position dès que l'enfant serait né. Où qu'elle aille, quoi qu'elle fasse, Mounia sentait des regards la suivre, des lèvres s'agiter, des rires étouffés la critiquer. Elle avait donc cessé d'agir, se recroquevillant peu à peu sur elle-même pour qu'on l'oublie, en se disant que peut-être il eût été plus sage d'avorter ainsi que le voulait Bayezid.
    C'est à force de le penser que l'idée était née.
    Ce 26 février de l'an de grâce 1485, en plein après-midi, soit une semaine après son inavouable terme, Mounia perdit les eaux dans une des vastes piscines du harem, au milieu de ses compagnes qui, l'évinçant de leurs jeux et de leurs discussions, ne s'aperçurent de rien.
    Elle sortit de l'eau, s'enveloppa de ses voiles et s'en fut rejoindre la Khanoum qui, dans ses appartements privés, l'attendait pour le thé, comme chaque jour.
    Cette fois pourtant, elle refusa de le boire.
    — Qu'as-tu? s'inquiéta la vieille femme.
    — Je l'ignore. L'estomac me tourne depuis ce matin. Sans parler des vertiges. À dire vrai, je ne me sens pas très bien.
    La Khanoum fronça les sourcils. Mounia était d'un naturel robuste. Pas une fois elle n'avait été malade depuis son arrivée. La mère du sultan n'aima pas la grimace qui se peignit sur ses traits tirés.
    — Souffres-tu?
    Mounia porta la main à son ventre renflé, ravie du peu de poids qu'elle avait pris et qui, jusque-là, avait servi ses mensonges. Pour l'heure, plus de raison de tricher face à la contraction qui la tenaillait.
    — Je crains que ce ne soit l'enfant, dit-elle d'une voix blanche.
    La Khanoum bondit sur ses pieds et, la forçant à écarter les siens, contourna la table pour s'agenouiller devant elle. Ses doigts remplacèrent ceux de Mounia à hauteur du pubis.
    — Il se présente, dit-elle. Bougeait-il ces jours derniers ?
    Régulièrement. Quoique…
    Elle marqua un temps d'arrêt, comme si un souvenir refluait. Rectifia.
    — Pas depuis le déjeuner en vérité. J'ai vomi juste après.
    La Khanoum tiqua.
    — Tire la langue.
    Mounia obtempéra, certaine de l'effet qu'y avait produit la potion abortive offerte en son temps par

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