Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Chant des sorcières tome 3

Le Chant des sorcières tome 3

Titel: Le Chant des sorcières tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
Vom Netzwerk:
devait venir, sitôt la fin du tournoi, demander sa main. Conan de Dreux n'avait rien voulu entendre. Alors, pour l'effrayer, sa fille lui avait affirmé qu'elle se jetterait dans l'Isère si on la mariait de force, dût-elle pour cela brûler en enfer pour l'éternité. Impressionné par sa détermination, Conan de Dreux avait semblé vaincu avant de s'ébrouer et de la couvrir d'un œil triste.
    — Un drapier. Il faudra un drapier. Et vite qui plus est. Je ne veux pas que mon négoce se meure avec moi.
    Depuis, quoi qu'elle dise, fasse ou geigne, il n'en démordait pas.
    — Rassieds-toi ! ordonna-t-il dans le vacarme de la foule qui, excitée par l'échange précédent, acclamait à présent les jouteurs avec une flamme nouvelle.
    Brûlante d'inquiétude, nourrie d'audace, Marie le toisa.
    — Empêche-moi donc de passer !
    Refoulant en son cœur tout le respect et l'amour qu'elle lui vouait, elle écrasa le cor qu'il portait à l'orteil gauche d'un méchant coup de talon. Surpris par la douleur, Conan de Dreux gonfla ses joues devenues rouge pivoine, releva instinctivement son genou entre ses mains croisées et s'effondra sur son siège aux côtés de son épouse, restée placide.
    Alors que Marie se frayait un passage parmi les spectateurs, sans un regard en arrière, sa mère se pencha à l'oreille du drapier, que les élancements empêchaient de réagir.
    — Laisse-la épouser qui elle veut, Conan de Dreux, ou je te donne au prévôt.
    La peur remontée jusqu'à ce lobe qu'elle venait de titiller de sa voix accusatrice, le drapier dégonfla ses joues et demeura le souffle court. Il tourna avec brusquerie vers elle un œil affolé.
    — Quoi ? Comment ? bredouilla-t-il en la voyant satisfaite de son petit effet.
    Les mains croisées sur sa robe trop sobre, face à son époux couvert de broderies et de bijoux, elle lui sourit.
    — Tu parles en dormant, Conan de Dreux. Ce n'est pas bon pour ton commerce.
    Repris de rougeur, par la honte cette fois, le drapier se renfonça sur son siège et, indifférent à présent au spectacle et à son cor au pied, fit en sorte qu'on ne le remarque pas.
    Verser le poison avait été plus facile qu'il ne l'avait cru. Profiter de l'absence du goûteur qu'il avait vu quitter la place, se glisser discrètement à l'office, déserté à cette heure, soulever le bouchon de verre verdâtre, déverser le venin. Un jeu d'enfant. Il suffisait de ne pas penser à qui était destiné le breuvage mais plutôt au Génois et à ses manières. Car à la vérité, Conan de Dreux s'était laissé prendre par la générosité de l'homme qu'il devait abattre. Djem l'avait ravi par sa prestance, par sa gentillesse à son égard. Lorsqu'il lui avait parlé de ses draps, le prince avait aussitôt offert d'en acquérir.
    — Je suis certain, maître drapier, que la finesse de leurs points n'aura d'égale que la douceur de la peau de mes femmes.
    — C'est trop d'honneur, prince Djem, s'était-il empourpré.
    — Non pas. Le baron de Clermont vient de m'assurer de la chose et je le sais d'un goût certain. N'avez-vous pas tissé le linge des futurs épousés ?
    — Si fait, si fait, sa fille Louise m'en a fait elle-même compliment.
    — Alors ne soyez pas modeste, mon ami, cela ne vous sied guère, et puisque vos couleurs s'assortissent aux miennes, prenez place à mes côtés, l'avait invité Djem en riant.
    Dès lors il ne l'avait plus quitté, attisant la jalousie de ses pairs et la froideur du sire de Montoison qui l'avait si fortement humilié sur le pont.
    Conan de Dreux savait que son sommeil avait souffert de ses remords. Il avait fallu que le Génois paraisse quelques instants à la fête ce soir-là et, le fixant de loin d'un œil noir, passe, l'air de rien, son index sous sa gorge, pour qu'il trouve le courage de les oublier.
    Lorsque la rumeur de la mort du prince avait franchi le seuil de sa maison, il n'avait pas ressenti de soulagement, juste une profonde tristesse. Le démenti l'avait laissé sans voix. Non seulement il avait échoué, mais Anwar avait passé. À présent il était triplement traqué. Par le Génois qui voudrait reprendre son dû, par le prévôt qui le voulait pendre, et par Djem qui, à la faveur d'une confidence, lui avait avoué qu'il enlèverait à la justice franque le meurtrier dès qu'il serait pris.
    — Et pourquoi donc ? N'avez-vous pas confiance en son jugement ? avait-il eu le courage de demander.
    — Je veux qu'il souffre comme je

Weitere Kostenlose Bücher