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Le Chant des sorcières tome 3

Le Chant des sorcières tome 3

Titel: Le Chant des sorcières tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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qu'elle chevauchait et la rejeta avec violence. Au lieu d'être emportée par la camarde, Algonde s'assit à même le sol carminé, prise d'une toux violente. Les yeux exorbités, elle expectora ce caillot de sang qui l'empêchait de respirer, consciente que le pouvoir des Anciens en elle l'avait sauvée.
    Fanette se signa devant ce miracle. Était-il d'esprit divin ou diabolique ? Elle n'en avait aucune idée mais fut certaine qu'Algonde ne lui pardonnerait pas d'avoir essayé de la tuer. Terrorisée à l'idée de possibles représailles, elle recula jusqu'à se fondre aux fougères hautes. À quelques pas de là, le cheval d'Algonde folâtrait. Fanette courut jusqu'à lui. Bien qu'elle ne soit jamais montée, elle trouva la force de se hisser et de se coucher sur son encolure avant de le talonner.
    Lorsqu'elle parvint à la combe, elle se laissa choir à terre, moulue et hébétée encore de ce qui venait d'arriver. Ses mains, son visage et son corps tout entier puaient le sang caillé. Elle se mit à trembler de la tête aux pieds.
    C'est ainsi que, revenant de chasser, Villon la trouva, assise au bord de la falaise, les jambes battant le vide, prête à s'y jeter si Algonde reparaissait.
     

7
    — Là, regardez ! hurla-t-on sur la gauche des échafauds.
    Aussitôt, dans un même élan tous les visages se tournèrent vers ce doigt d'enfant tendu. Les quarante chevaliers entraient sur la grand-place de Romans par les rues alentour et dans un bel ensemble : les tenants, guidés par le fils du baron de Clermont, le sommet du heaume garni de plumes blanches, écharpe et écu bleus à trois fleurs d'or représentant le roi de France, les assaillants, Antoine de Montchenu en tête, aux couleurs de Djem, plumes et écu bigarrés.
    Cet hommage décidé avant que ne se joue le drame était voué à la mémoire d'Anwar, enterré la veille. Les tambours s'étant tus, un long silence accompagna le martèlement des chevaux au pas sur l'esplanade. Les étendards claquaient sous le souffle chaud de cette matinée du 6 juin 1484. Debout, face à ces combattants de pacotille qui venaient abaisser leur lance devant lui, Djem sentit son cœur se serrer. Il eût pu les vaincre tous tant sa rage était grande, son chagrin inconsolable. Oui, tous. Ce simulacre de combat qu'il s'était réjoui de présider lui laissait au cœur l'envie d'une vraie bataille, sanglante et acharnée. Il leva pourtant le bras, pour donner le signal d'ouverture des joutes. Les trompettes s'envolèrent ainsi que ces cent colombes, lâchées d'un coup, qui froissèrent l'azur de leurs ailes blanches. Djem perçut à côté de lui la douleur de Nassouh. Ils n'étaient plus que deux à présent pour préserver la mémoire de leur triste épopée. Son bras retomba. Les chevaliers se retirèrent. La vie revint dans les tribunes. Djem se rassit. Il était au spectacle. Il était LE spectacle. Un sourire gaillard accroché à ses mâchoires, si fortement tétanisées d'effort qu'elles lui faisaient mal, il regarda droit devant lui les barrières s'ouvrir et deux fois six hommes, face à face, se menacer de la lance.
    S'il l'avait pu sans donner plaisir au meurtrier d'Anwar, dissimulé dans la multitude, Djem aurait hurlé.
     
    Philippine avait du mal à se concentrer sur ces hommes qui, emportés par le galop, tentaient de se désarçonner. À ses côtés, Isabelle faisait montre d'une apathie morbide. Il avait suffi d'une soirée pour que sa cadette s'éprenne d'Anwar comme elle de Djem. Sa gaieté envolée, rien ne semblait vouloir la distraire. Philippine n'en avait pas le cœur non plus. Outre la désespérance dont elle sentait Djem accablé, elle craignait la menace, d'autant plus fortement que le meurtrier avait raté sa cible. Le moindre bruit inhabituel, le moindre personnage au regard détourné lui paraissait dangereux.
    Elle eût préféré que Djem s'enferme dans sa chambre, à l'abri. Mais il n'avait rien voulu changer de ce qui avait été instauré à son arrivée. Sa demeure était restée festoyante. Sa table renommée. Si elle n'avait su l'importance qu'avait eue pour lui Anwar, on aurait pu croire que la mort de son compagnon l'avait laissé de marbre tant il était, dès le soir, apparu enjoué et léger.
    — Je refuse de donner au coupable la joie de ma détresse, avait-il expliqué au grand prieur en faisant rouvrir ses portes.
    Nassouh avait approuvé. Ils feraient face.
    De fait, il y excellait.
    Mais Philippine, le dominant d'une

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