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Le Chant des sorcières tome 3

Le Chant des sorcières tome 3

Titel: Le Chant des sorcières tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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précipiter en sanglotant pour se courber au-dessus de l'homme qu'elle aimait.
    — Hors ma vue, femme ! beugla l'assassin en lui décochant méchamment un coup de soulier dans l'abdomen.
    Flanqué du porteur de lanterne, Hugues de Luirieux s'approcha de Mounia.
    — Je crains que cette fois ton cher Enguerrand ne puisse te sauver, ma belle, susurra le bras droit de Philibert de Montoison, en la saisissant violemment par le haut de la tresse.
    Il la tira en avant pour l'arracher à son époux, toujours inconscient, et la traîner jusqu'à l'huis que venait de refranchir l'assassin d'Aziz.
    Décidée à protéger sa mère et Enguerrand, que cette dernière parviendrait peut-être à soigner, Mounia n'opposa aucune résistance. Elle passait le seuil, la peau du crâne étirée, les genoux raclant la terre battue malgré le tissu de sa gandoura, le porteur de lanterne sur ses traces, lorsque crissa derrière ce dernier un timbre assourdi de vengeance.
    — Meurs, chacal !
    La lanterne vacilla dans la main de l'homme tandis qu'il beuglait.
    — Veux-tu bien me lâch… !
    Les mots moururent dans sa gorge, tranchée net par le poignard d'Aziz que Fatima venait de récupérer avant de lui sauter sur les épaules. Un flot de sang éructa sur la jupe de Mounia que Luirieux, le dos tourné, tirait toujours vers la cour.
    L'homme s'effondra, déversant le falot qui en touchant le sol noya la flamme à l'intérieur de ses vitres. Vive comme l'éclair et maculée de pourpre sous l'éclat blafard de la lune, Fatima l'enjamba d'un bond pour se jeter en avant. Jouant de l'effet de surprise que son improbable rébellion produisait, elle sectionna la chevelure de sa fille pour la libérer de son joug et fondit sur Luirieux qui venait de pivoter.
    — Maman ! non ! beugla Mounia, comprenant soudain que sa mère allait au-devant d'une mort certaine.
    Luirieux évita le coup fatal. Pas Fatima. Déséquilibrée par l'esquive de sa victime, elle s'affala en avant sur la pointe de l'épée que, revenu sur ses pas en deux enjambées, le premier homme lui destinait.
    La détresse emporta Mounia cette fois. Éclatant en sanglots, elle rampa vers le corps soulevé de hoquets, à quelques pas de la dépouille criblée de flèches de Houchang.
    — Le… porteur… de… destin… furent les derniers mots de Fatima dans les bras de sa fille, comme une excuse à l'absurdité de son geste.
    Le prix de la fatalité.
     

21
    Par-delà les remparts du château de Saint-André-de-Royans où il avait été accueilli chaleureusement, l'aube se levait sur la vallée de l'Isère embrumée. Avec les premiers rayons, elle céderait la place à la canicule, comme ces jours derniers. Aymar de Grolée avait attendu cet instant la nuit durant. Le sommeil tant espéré la veille après un dîner joyeux auprès de ses amis l'avait fui sur l'oreiller.
    Renonçant à le chercher, il avait quitté sa couche, s'était rhabillé puis laissé choir dans un faudesteuil sous un rayon de lune, les pensées divagantes. Il s'était assoupi plusieurs fois. Tout autant éveillé avec le même sentiment d'urgence. D'angoisse. N'arriverait-il pas trop tard ?
    Le front collé au meneau de pierre qui divisait en deux la fenêtre, ouverte, de sa chambre, le sire de Bressieux inspira une bouffée d'air chargé d'humidité et du parfum tiède de pain défourné. La paneterie, qu'il devinait sur sa droite quatre étages plus bas, était animée depuis longtemps. Des conversations et des rires montaient jusqu'à lui, préfigurant une heureuse journée. Son estomac gargouilla. Il n'avait pas le temps d'un matinel. Les panetiers ne lui refuseraient pas une tranche de pain.
    S'écartant de la croisée, il prit son baudrier sur une chaise, l'attacha à sa ceinture, y fixa son épée, si souvent rougie du sang des ennemis du feu roi Louis XI, et accrocha son reflet dans un miroir au mur.
    Le buste à peine empâté par l'âge, les paupières tombantes sur ses yeux gris soulignés de ridules profondes, la chevelure épaisse, poivre et sel, caressant les épaules massives et balayant d'une frange courte le front veiné de rides marquées par les batailles, les lèvres pincées par sa détermination, il gardait fière allure.
    — Allons, dit-il à haute voix en posant son poing sur son arme, l'heure est venue. Enfin.
     
    Moins d'une demi-heure plus tard, muni d'un bâton à la pointe noircie et de trois torches fixées dans le prolongement de sa selle, d'une sacoche contenant

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