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Le Chant des sorcières tome 3

Le Chant des sorcières tome 3

Titel: Le Chant des sorcières tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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un briquet d'amadou, des brindilles sèches et un pot empli de poix pour les enflammer, d'une besace garnie d'une demi-miche de pain frais et d'une gourde pleine, il franchissait le pont-levis sans voir ses hôtes, couchés encore, qu'il avait salués et prévenus la veille.
    Lorsque Aymar de Grolée pénétra dans le souterrain en plein cœur des ruines de la forêt des Coulmes, son premier flambeau embrasé à la main, les autres enfilés à sa ceinture, il était prêt à mourir plutôt que de laisser encore Jeanne de Commiers s'abîmer.
    *
    Elle avait perdu la notion du jour et de la nuit. Les poignets liés par une corde de chanvre accrochée au mur par un anneau de fer, Jeanne de Commiers n'avait que la latitude de quelques pas pour s'asseoir, se coucher sur une paillasse puante et se tenir éloignée de ses excréments. Une écuelle de gruau, une autre d'eau lui étaient régulièrement apportées par Marthe qui, à cette occasion seulement, lui rendait l'usage de ses mains pour manger et se décrotter.
    Un animal en cage aurait été mieux logé.
    Dans la grotte qui servait de repaire à la Harpie, un brûlot perpétuel dans une coupelle suspendue à une chaîne fixée au plafond rocheux amenait de la lumière, mais pas la moindre once de chaleur. L'humidité et la froidure avaient commencé d'attaquer les doigts de pied de la prisonnière, obligée de les frotter au sang sur le sol rugueux pour apaiser la gratte.
    — Finissons-en, tue-moi, avait-elle supplié à la dernière apparition de Marthe, quelques minutes plus tôt.
    La Harpie l'avait considérée d'un œil torve en haussant les épaules.
    — J'ai donné ma parole à ton époux de te garder en vie, ma belle. Pourquoi m'en défausserais-je ?
    Amaigrie à l'extrême, Jeanne n'avait plus la force de se rebeller. Les premiers jours oui, elle s'y était appliquée. Sitôt la Harpie envolée, elle avait essayé de ronger ses liens, de se tortiller en tous sens pour les relâcher, d'appeler à l'aide. Rien n'y avait fait. Elle n'avait su qu'entailler profondément ses chairs qui, refusant de guérir, devenaient purulentes. Elle n'était plus qu'une plaie. Physique. Morale. À la merci des caprices de sa geôlière.
    Marthe n'en abusait pas, pourtant, contrairement à ce que Jeanne avait craint lorsqu'elle s'était retrouvée piégée derrière le mur. Au moment où elle allait enfin entrer dans la Bâtie, Marthe lui avait tordu les avant-bras contre les reins, avec une force démente. Jeanne avait hurlé. De douleur. De désespoir. S'était laissé entraîner. Les yeux rivés sur cette paroi amovible que personne n'avait fait coulisser pour la sauver.
    Elle n'espérait plus de miracle depuis longtemps.
    Temps. Ce mot-là même n'avait plus de sens, de consistance. Elle avait tenu un calendrier éphémère, additionnant les périodes comprises entre le moment où elle s'éveillait et celui où elle s'endormait. Au bout de dix, affaiblie, elle avait pris conscience qu'elle dormait plus souvent sans doute qu'il ne le fallait pour garder une cohérence avec la réalité. Il en était de même pour ses repas. Aucun repère. Il lui semblait que Marthe les lui portait à son bon vouloir tant la faim la tenaillait parfois au point de la jeter sur la nourriture infecte comme un chien sur un os décomposé.
    Elle lui avait demandé à plusieurs reprises :
    — Quel jour sommes-nous ?
    — Aucune importance, avait répondu Marthe avec la même cruauté.
    Pas davantage elle n'avait accepté de lui parler des siens. La seule révélation qu'elle lui avait consentie, le détail de la mort de la petite Claudine l'hiver précédent, n'avait servi qu'à la briser davantage.
    — Je ne me souviens pas d'elle, avait menti Jeanne en affirmant sa voix, refusant d'en laisser rien paraître.
    — Dommage pour toi. Ta fille était un rayon de soleil dans la maisonnée, lui avait assené Marthe, déçue sans doute de n'obtenir pas l'effet escompté.
    Sitôt son départ, libérant dans son chagrin le poids de sa captivité, Jeanne s'était répandue sur sa couche avec cette certitude qui, récusant ses visions d'autrefois, ne l'avait plus quittée : jamais elle ne reverrait ceux qu'elle chérissait.
    *
    Bien qu'il n'ait aucun plan pour le guider, Aymar de Grolée pensait comme Jacques de Sassenage que le souterrain au départ des Coulmes rejoignait l'abbaye royale en passant par Saint-André-en-Royans. Les quatre châteaux forts, Rochechinard, Saint-André, la Bâtie et

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