Le chant du départ
royaliste, et c’est Napoléon qui s’interpose, le protège et le sauve.
On connaît Napoléon. Il est membre de la Société des Amis de la Constitution en compagnie de quelques officiers, de soldats et de personnalités.
Napoléon a retrouvé, au sein du club révolutionnaire, le libraire Aurel. On se donne l’accolade. Napoléon monte à la tribune pour dénoncer la fuite du roi, l’attitude du marquis de Bouillé, « l’infamie » de cet officier. Il parle avec une éloquence nerveuse faite de courtes phrases scandées. On l’acclame. On le charge de la fonction de secrétaire. On le nomme bibliothécaire de la Société.
Le 3 juillet, on se réunit pour condamner le roi.
« Il faut qu’il soit jugé », déclare Napoléon. En quittant Paris, Loui XVI a trahi. Un soldat s’avance et crie au nom de ses camarades : « Nous avons des canons, des bras, des coeurs, nous les devons à la Constitution ! »
Le 14 juillet, toute la population de Valence, les troupes, les corps constitués, la garde nationale, l’évêque et son clergé se rassemblent au champ de l’Union.
Napoléon est en avant des soldats du 4 e régiment. Son frère Louis est dans la foule en compagnie de Mlle Bou.
On chante le Ça ira . On prête serment, on crie : « Je le jure. » Puis l’évêque célèbre un Te Deum . Et tout le monde en cortège rentre à Valence.
Les plus ardents patriotes se réunissent dans la salle de la Société des Amis de la Constitution, où une table a été dressée pour un banquet.
Napoléon, à la fin du repas, se lève. On l’acclame. Il est l’un des officiers patriotes les plus connus de la ville. On lui fait confiance. Il a prêté le nouveau serment exigé des militaires. Il se dit républicain. Il pense qu’il faut juger le roi.
Il porte un toast, lève son verre à ses anciens camarades d’Auxonne et à ceux qui, dans la cité bourguignonne, défendent les droits du peuple.
« Vive la Nation ! » crie-t-il.
Le soir, il est si exalté qu’il ne peut s’endormir. Ce bouillonnement de toute une population, de tout un pays entraîné dans le tourbillon révolutionnaire, chaque jour apportant un fait nouveau, l’oblige à tout instant à faire un nouveau choix. Comment trouver le repos ?
Il écrit à son frère, à Naudin, son ami resté à Auxonne. L’écriture, comme il le dit en s’excusant, est un « griffonnage ».
« S’endormir la cervelle pleine de ces grandes choses publiques et le coeur ému par des personnes que l’on estime et que l’on a un regret sincère d’avoir quittées, c’est une volupté que les grands épicuriens seuls connaissent. »
Il ne peut cesser de questionner l’avenir.
« Aura-t-on la guerre ? » se demande-t-il en ce mois de juillet 1791. Il en doute. Les souverains d’Europe, par crainte de la contagion révolutionnaire, préféreront attendre que la France soit déchirée par la guerre civile.
Mais les rois se trompent. « Ce pays est plein de zèle et de feu », conclut Napoléon. Même le régiment est très sûr : « Les soldats, sergents et la moitié des officiers » sont favorables aux nouveaux principes.
S’endormir, une fois le papier plié, l’adresse écrite ?
Impossible.
Napoléon reprend ses cahiers.
Il a entrepris sa première oeuvre véritable.
L’Académie de Lyon offre un prix de douze cents livres à l’auteur du meilleur discours sur le sujet suivant : Quelles vérités et quels sentiments il importe le plus d’inculquer aux hommes pour leur bonheur . Napoléon a décidé aussitôt de concourir. Rousseau, jadis, n’a-t-il pas obtenu le même prix pour son Discours sur l’inégalité ?
Dans la nuit de Valence, Napoléon écrit donc.
L’homme est né pour le bonheur, dit-il. Mais « là où les rois sont souverains, il n’est point d’homme, il n’y a que l’esclave oppresseur plus vil que l’esclave opprimé ». Il faut donc résister à l’oppression. « Les Français l’ont fait. » Ils ont conquis la liberté « après vingt mois de lutte et de chocs les plus violents… Après des siècles, les Français, abrutis par les rois et leurs ministres, les nobles et leurs préjugés, les prêtres et leurs impostures, se sont tout à coup réveillés et ont tracé les droits de l’homme ».
Napoléon écrit comme pour une harangue révolutionnaire. Il prône la liberté et l’égalité.
Souvent, deux mots reviennent sous sa plume : force et énergie . « Sans force, sans énergie il n’est
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