LE CHÂTEAU DANGEREUX
d’indignités. »
« En voici assez, sir John, dit de Valence : ne promettons rien de plus jusqu’à ce que ce digne ménestrel ait vu que nous sommes disposés à tenir nos promesses. Suivez-moi par ici, et je vous communiquerai en particulier des nouvelles qu’il vous est important de connaître. »
En parlant ainsi, il entraîna sir John hors du cachot, et envoyant chercher le vieux chevalier, sir Philippe de Montenay, sénéchal du château, il lui ordonna d’élargir sur-le-champ le ménestrel, de le bien traiter sous tous les rapports, mais d’empêcher, quoique avec toute marque de respect, qu’il sortît du château sans être accompagné d’une personne sûre.
« Et maintenant, sir John, dit-il, il me semble que vous êtes un peu malhonnête de ne pas m’offrir à déjeûner, après la nuit que j’ai employée à vos affaires. Un verre de muscat ne serait pas, je crois, une mauvaise préparation pour considérer ensuite la marche à suivre dans ces conjonctures difficiles.
« Tu sais, répondit de Walton, que tu peux te faire servir tout ce que tu voudras, pourvu, toujours, que tu m’instruises sans perdre de temps de ce que tu sais encore touchant la volonté de la belle contre qui nous avons tous péché si gravement, et moi, hélas ! sans espérance de pardon ! »
« Croyez-moi, dit le chevalier de Valence, j’espère que la belle ne me garde pas rancune, puisqu’elle a expressément déclaré ne pas m’en vouloir. Ses termes, vous le voyez, sont précis, et vous pouvez lire vous-même… « Elle pardonne volontiers au pauvre sir Aymer de Valence d’avoir commis une erreur dont elle-même a été la cause ; ce sera toujours avec plaisir qu’elle le reverra comme ami ; de plus elle ne songera jamais à cette histoire de quelques jours que pour en rire et s’en amuser. » Tels sont expressément les termes dont elle s’est servie. »
« Oui, répliqua sir John de Walton ; mais ne voyez-vous pas que son coupable amant est expressément exclu de l’amnistie qu’elle accorde à l’offenseur moins criminel ? Ne faites-vous aucune attention au dernier paragraphe ? » Il prit la lettre d’une main tremblante, et en lut la fin d’une voix agitée : « Tenez, le voici « Tout rapport doit désormais cesser entre lui et le prétendu Augustin. » Expliquez-moi comment ces mots pourraient avoir un autre sens que celui de ma condamnation et de la rupture d’un pacte qui emporte destruction de toutes les espérances de sir John de Walton. »
« Vous êtes un peu plus âgé que moi, sire chevalier, répondit de Valence, et, je ne le nierai pas, beaucoup plus sage et plus expérimenté ; je soutiendrai néanmoins qu’il n’y a point lieu d’adopter l’interprétation que vous semblez vous être mise dans la tête par rapport à cette lettre, sans supposer préalablement que la belle qui l’a écrite avait la tête un peu dérangée… Voyons, ne tressaillez pas ; quittez cet air égaré, ne mettez pas la main sur votre épée : je n’affirme point que tel soit le cas. Je vous répète qu’aucune femme jouissant de sa raison n’aurait pardonné à une connaissance ordinaire de s’être comportée envers elle avec une impolitesse et une malhonnêteté qui n’étaient pas dans son intention, durant le cours d’une certaine mascarade, et en même temps rompu d’une manière définitive et irrévocable avec l’amant auquel sa foi était engagée, quoique son erreur, en commettant aussi l’offense, n’ait été ni plus grossière ni plus prolongée que celle de l’individu indifférent à son amour. »
« Ne blasphémez pas, dit sir John de Walton, et pardonnez-moi si, pour rendre justice à la vérité et à l’ange que je crains d’avoir à jamais perdu, je vous montre la différence qu’une fille pleine de dignité et de sentimens nobles doit faire entre une offense commise par une personne ordinaire, et une autre offense précisément du même genre, dont se rend coupable un individu qui est tenu par la plus imméritée des préférences, par les plus généreux bienfaits et par toute chose qui puisse produire l’affection humaine, à songer et à réfléchir avant d’agir dans aucun cas où il est possible qu’elle soit intéressée. »
« Maintenant, sur mon honneur ! répliqua sir Aymer de Valence, je suis charmé de vous entendre essayer du raisonnement, quoique ce ne soit qu’une manière déraisonnable de raisonner pourtant,
Weitere Kostenlose Bücher