LE CHÂTEAU DANGEREUX
dont je ne puis malheureusement vous informer. »
« Comment ! que voulez-vous dire ! s’écria le gouverneur, qui alors seulement commença à comprendre l’étendue de son malheur ; où s’est-elle enfuie, et avec qui ? »
« Elle s’est enfuie, que je sache, répondit de Valence, pour aller chercher un amant plus hardi que celui qui est si disposé à interpréter tout air de froideur comme un coup mortel porté à ses espérances ; peut-être cherche-t-elle Douglas-le-Noir, ou quelque autre héros du Chardon, pour récompenser, avec ses terres, ses titres et sa beauté, ces vertus d’entreprise et ce courage dont John de Walton fut jadis cru être doué. Mais, sérieusement, il se passe autour de nous des choses étranges. J’en ai vu assez la nuit dernière, en me rendant à Sainte-Bride, pour devenir soupçonneux de tout le monde. Je vous ai envoyé comme captif le vieux Fossoyeur de l’église de Douglas : il a refusé de répondre à plusieurs questions que j’ai jugé convenable de lui adresser ; mais nous en reparlerons une autre fois. L’évasion de cette dame ajoute beaucoup aux dangers qui entourent ce fatal château. »
« Aymer de Valence, répliqua de Walton d’un ton solennel et animé, le château de Douglas sera défendu, comme nous y avons réussi jusqu’à présent, pour déployer sur ses créneaux la large bannière de Saint-George. Advienne de moi ce que voudra le sort durant ma vie ; je mourrai l’amant fidèle d’Augusta de Berkely, quand même je ne pourrais plus vivre comme le chevalier de son choix. Il y a des cloîtres et des ermitages… »
« Oui, parbleu, il y en a, repartit Aymer, et de plus des ceintures de chanvre et des chapelets de chêne ; mais il ne nous faut pas songer à tout cela avant d’avoir découvert où est lady Augusta, et quelles sont ses intentions dans cette affaire. »
« Vous dites bien, répliqua de Walton ; cherchons ensemble par quels moyens nous pourrons, s’il est possible, découvrir l’endroit d’une retraite trop précipitée, par laquelle ma dame m’a fait injure, si elle supposait que ses ordres n’eussent pas été religieusement obéis, dans le cas où elle en eût honoré le gouverneur du pays de Douglas, ou tout autre individu qui est sous son commandement. »
« À présent, reprit Valence, vous parlez comme un vrai fils de la chevalerie. Avec votre permission, je vais demander qu’on nous fasse venir le ménestrel. Sa fidélité à sa maîtresse a été remarquable, et dans l’état où sont les choses il nous faut prendre tout de suite les mesures qui nous sont nécessaires pour trouver le lieu où elle s’est réfugiée. »
CHAPITRE XIV.
Le Chevalier de la tombe.
La route est longue, mes enfans, longue et difficile. Les marais sont affreux et les bois sont noirs ; mais celui qui rampe du berceau à la tombe, sans connaître autre chose que les douceurs de la fortune, n’est pas instruit comme doivent l’être de nobles cœurs.
Vieille Comédie.
Il était encore de bonne heure quand, après que le gouverneur et de Valence eurent rappelé Bertram pour délibérer avec eux, la garnison de Douglas fut passée en revue, et qu’un grand nombre de petites troupes, en addition à celles déja dépêchées d’Hazelside par Valence, furent envoyées battre les bois à la poursuite des fugitifs, sous l’injonction sévère de les traiter avec le plus grand respect s’ils étaient attrapés, et d’obéir à leurs ordres, en remarquant néanmoins l’endroit où ils pourraient se réfugier. Pour obtenir plus aisément ce résultat, le secret sur la qualité réelle du pèlerin supposé et de la nonne fugitive fut confié à quelques hommes qui étaient gens de discrétion. Tout le pays, forêts ou marécages, à plusieurs milles du château de Douglas, fut couvert et traversé par des troupes dont l’ardeur à découvrir les fugitifs était proportionnée à la récompense généreusement offerte par de Walton et de Valence, dans le cas où ils seraient ramenés sains et saufs. Ils ne laissèrent cependant pas de faire dans toutes les directions telles enquêtes qui pouvaient jeter de la lumière sur les machinations des insurgés écossais, qui se tramaient peut-être dans ces districts sauvages, ce dont, comme nous l’avons déja dit, de Valence en particulier avait conçu de violens soupçons. Leurs instructions étaient, dans le cas où ils s’apercevraient de complots, de procéder
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