Le cheval de Troie
rentrés chez vous.
— Jusqu’à ce que nous gravissions ta montagne et t’y découvrions, dit Ulysse.
— Apollon t’a-t-il permis de partir ? demanda Nestor.
— Oui et je suis très heureux de participer à l’assaut final.
Un messager était venu informer Ulysse à voix basse ; il se leva et accompagna l’homme à l’extérieur. Quand il revint, Ulysse avait l’air si surpris que son visage en était comique.
— Seigneur, expliqua-t-il, un de mes agents me rapporte que Priam prépare une autre attaque. L’armée troyenne sera à notre porte demain bien avant l’aube, avec l’ordre d’attaquer pendant que nous dormirons. Très intéressant… C’est une violation délibérée des lois de la guerre ! Il y a fort à parier qu’Énée est derrière tout ça.
— Allons, Ulysse, repartit Ménesthée. Pourquoi t’indigner qu’ils violent les lois de la guerre ? C’est ce que tu fais depuis des années !
— Certes, admit Ulysse, mais eux ne l’ont jamais fait jusqu’ici.
— Qu’ils l’aient fait ou non, Ménesthée, déclarai-je, ce qui importe, c’est que maintenant ils le font. Ulysse, je t’autorise à utiliser tous les moyens qui te semblent bons pour pénétrer dans Troie.
— La famine, répondit-il aussitôt.
— Tout sauf la famine, répliquai-je.
Bien avant l’aube, tous nos soldats étaient alignés dans l’ombre. Énée découvrit alors qu’il avait été trop lent. Je menai l’assaut moi-même et nous les taillâmes en pièces, leur montrant que nous pouvions nous passer d’Achille et d’Ajax. Déjà mal à l’aise à cause de la supercherie d’Énée, les Troyens furent pris de panique quand nous leur tombâmes dessus sans prévenir. Nous n’eûmes qu’à les suivre pour les abattre par centaines.
Philoctète usa des flèches d’Héraclès, qui eurent un effet dévastateur. Il avait mis au point la tactique suivante : des hommes couraient arracher les précieuses flèches du corps de toutes ses victimes, les nettoyaient et les replaçaient dans le vieux carquois usé.
Ceux qui échappèrent au massacre trouvèrent refuge dans la cité. On nous ferma la porte Scée au nez. Le combat avait été très bref. Peu après le lever du soleil, la victoire était nôtre, et les cadavres des Troyens jonchaient la plaine. Ce qui restait de la fine fleur de Troie avait mordu la poussière.
Idoménée et Mérione vinrent me rejoindre, suivis de Ménélas et des autres. Ils formèrent un cercle de leurs chars pour observer le champ de bataille et parler du combat.
— Les flèches d’Héraclès sont réellement magiques quand tu les lances, Philoctète, m’exclamai-je.
— J’admets que cela leur plaît davantage que de tuer des cerfs, Agamemnon, dit-il en souriant. Mais quand mes hommes feront le compte des flèches, ils verront qu’il en manque trois. J’ai une bonne nouvelle pour les Myrmidons, ajouta-t-il en se tournant vers Automédon.
Nous ne pûmes cacher notre surprise.
— Une bonne nouvelle ? demanda Automédon.
— En effet ! Par la ruse, j’ai contraint Pâris à se battre en duel. Un des soldats me l’a désigné, aussi l’ai-je traqué jusqu’à l’attraper sans qu’il pût s’échapper. Je me suis alors vanté de mes prouesses en tant qu’archer, je me suis cruellement moqué de son minuscule arc de pacotille. Il m’a pris pour un mercenaire assyrien et a accepté le défi sans méfiance. Pour lui aiguiser l’appétit, j’ai envoyé trop loin ma première flèche. Je dois cependant admettre qu’il vise bien. Si je ne m’étais pas rapidement protégé avec mon bouclier, il m’aurait du premier coup transpercé l’estomac. C’est alors que je l’ai atteint. Une première flèche dans la main qui tenait l’arc, une deuxième dans son talon droit – pour venger Achille – et une troisième dans l’œil droit. Aucune d’elles ne l’a tué sur le coup, mais il est certain qu’elles causeront sa mort à plus ou moins brève échéance. J’ai demandé au dieu de guider ma main pour qu’il périsse lentement. Ménélas l’a suivi mais, blessé et couvert de sang comme il l’était, Pâris a dégoûté notre vieil ami, ajouta-t-il en donnant une tape sur l’épaule de Ménélas.
Nous éclatâmes tous de rire ; j’envoyai des hérauts informer les soldats que le meurtrier d’Achille n’avait plus longtemps à vivre. Nous étions débarrassés de Pâris, le vil séducteur.
30
Récit
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