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Le cheval de Troie

Le cheval de Troie

Titel: Le cheval de Troie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Colleen McCullough
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d’Hélène
     
    La plupart du temps je fuyais toute compagnie. Ma cousine Pénélope aurait bien ri de moi ! Le temps me pesait au point que je m’étais mise à tisser . Occupation des femmes délaissées… Pâris ne venait jamais me voir. Énée non plus.
    Depuis la mort d’Hector, l’atmosphère au palais s’était encore détériorée. Hécube, qui n’avait plus toute sa raison, ne cessait de reprocher à Priam de n’avoir jamais fait d’elle sa première femme. Décontenancé, bouleversé, il répliquait alors qu’il en avait fait sa reine ! Là-dessus, elle s’accroupissait et se mettait à hurler comme une chienne. Je comprenais maintenant de qui tenait Cassandre.
    Le palais était devenu lieu de désolation. Veuve d’Hector et par conséquent déchue de son ancien statut, Andromaque errait comme une ombre. Selon la rumeur, elle s’était violemment disputée avec Hector juste avant qu’il n’allât livrer son ultime combat. Il l’avait suppliée de le regarder, de lui dire adieu, mais elle avait préféré rester au lit et lui tourner le dos. Ce devait être vrai, car on lisait sur son visage la terrible souffrance et le remords éternel que seule une femme coupable, qui aime vraiment son mari, peut éprouver. Elle se désintéressait même de son fils, Astyanax, qu’elle confia aux hommes pour qu’ils fissent son éducation, dès l’instant où Hector fut dans la tombe.
    Le monde de Priam acheva de se désintégrer quand Troïlos fut abattu par Achille. Même la mort d’Achille ne parvint pas à le tirer des abîmes de son désespoir. Je connaissais le bruit qui courait dans la citadelle : Énée avait délibérément refusé de porter secours à Troïlos parce que Priam l’avait insulté au cours de l’assemblée où il avait désigné Troïlos comme son nouvel héritier. Mieux valait ne jamais insulter Énée !
    Priam nomma héritier ce méprisable rustre de Déiphobos. Une provocation qui n’affecta guère Énée, à présent très sûr de lui. J’observais longuement le visage basané du Dardanien, car je savais quelles passions, invisibles derrière le masque de son indifférence, le consumaient. Je savais jusqu’où ses ambitions effrénées le conduiraient. Pareil à un torrent de lave qui progresse avec lenteur, Énée se frayait inexorablement un chemin et détruisait ses ennemis l’un après l’autre.
    Quand Énée sollicita la permission de lancer une attaque surprise contre le camp grec, il savait ce qu’il demandait au roi : la permission de bafouer les lois des dieux. Je fus seule à me rendre compte de l’immense triomphe remporté par Énée quand Priam accepta, lâchement. Il avait enfin réussi à rabaisser Troie à son niveau.
     
    Le jour de l’attaque, je m’enfermai dans mes appartements et me bouchai les oreilles avec des tampons de tissu pour atténuer le fracas et les cris. Avec des fils de laine fine de différentes couleurs, je tissai un motif compliqué. À force de me concentrer, j’en étais venue à oublier qu’une bataille était en train de se dérouler. J’étais prête à parier que Pénélope, épouse d’un homme aux jambes arquées dépourvu d’honneur et dénué de tout scrupule, n’avait jamais tissé quelque chose d’aussi magnifique. La connaissant, elle s’était probablement mise à tisser des linceuls !
    « Tu n’es qu’une vieille chipie qui récrimine sans cesse », me disais-je, quand les poils de mes bras se hérissèrent, comme si quelqu’un me dévisageait depuis la tombe. Pénélope était-elle morte ? Je ne saurais avoir une telle chance.
    Mais lorsque je levai la tête, je vis Pâris qui me regardait, s’agrippant à l’encadrement de la porte. Sa bouche s’ouvrait et se refermait sans émettre aucun son. Était-ce bien Pâris ? Pâris, couvert de sang ? Pâris, avec une flèche de deux coudées qui lui sortait de l’œil ?
    Quand j’eus ôté les tampons de mes oreilles, ce fut comme si une horde de Ménades sanguinaires dévalait une montagne : dans l’œil intact de Pâris luisait la folie et un torrent de paroles incompréhensibles jaillissait de sa bouche.
    Peu à peu, je surmontai le choc, m’écroulai sur un lit et fus prise d’un terrible fou rire. Il en tomba à genoux ! Il rampait, sa main droite laissant une traînée rouge sur le dallage blanc. La flèche qui sortait de son œil droit pendillait de façon si ridicule que je ris encore plus fort. Quand il atteignit mes pieds, il

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