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Le cheval de Troie

Le cheval de Troie

Titel: Le cheval de Troie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Colleen McCullough
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rien à voir avec le camp austère qu’Agamemnon avait édifié face à Troie. Les cantonnements étaient éparpillés parmi des bouquets d’arbres et les rues serpentaient comme dans une cité ordinaire. Naturellement nous étions bien protégés. Un mur de dix coudées de haut avec palissade et fossé nous entourait. On y montait la garde même durant les lunes les plus froides de l’hiver. L’ennemi le plus proche, la Dardanie, ne semblait pas s’intéresser à nous ; le bruit courait que son roi, Anchise, était toujours à couteaux tirés avec Priam.
    On voyait des femmes partout dans le camp, certaines grosses d’un enfant à venir. Durant l’hiver il y avait eu de nombreuses naissances. Cela me faisait plaisir de voir ainsi les bébés et leurs mères apaiser les souffrances de la guerre. Aucun enfant n’était de moi, ni d’Achille ; les femmes ne m’attirent pas. Celles-ci avaient toutes été capturées à la pointe de l’épée et, une fois le premier choc surmonté, elles semblaient oublier leur vie passée et les hommes qu’elles avaient aimés. Elles se remettaient à aimer, à avoir une famille et à prendre les manières des Grecs. Les femmes ne sont pas des guerriers, elles sont leur butin. Elles sont faites pour bâtir des nids. Bien sûr, il y en avait qui ne parvenaient pas à oublier, qui pleuraient et se lamentaient ; celles-ci ne restaient pas longtemps à Assos, on les envoyait travailler dans les champs boueux où l’Euphrate se joint au Tigre et où, sans doute, elles mouraient de chagrin.
    Achille et moi rentrâmes chez nous ensemble, côte à côte. Nos épaules réussissaient tout juste à passer la porte. J’avais toujours plaisir à le remarquer car, d’une certaine manière, cela montrait ce qui-nous étions devenus : des chefs. J’ôtai moi-même mon armure, tandis qu’Achille laissait les femmes le débarrasser de ses armes. Moi, je ne pouvais jamais me résoudre à laisser des esclaves me désarmer, car j’avais vu leurs visages quand nous les avions choisies au moment du partage du butin. Mais Achille ne se tracassait pas.
    Il les laissait lui enlever son épée et son poignard sans même se rendre compte que l’une d’elles pourrait retourner l’arme contre lui et le tuer alors qu’il était sans défense. Je les observai avec méfiance mais dus bien admettre qu’il y avait fort peu de risques. De la plus jeune à la plus vieille, elles étaient toutes amoureuses de lui. Notre baignoire était déjà remplie d’eau chaude, des vêtements propres étaient sortis.
    Plus tard, une fois le vin versé et la table débarrassée, Achille renvoya les femmes. Nous étions tous deux fatigués, mais inutile d’essayer de dormir car il faisait encore grand jour et des amis allaient sans doute nous rendre visite.
    Achille avait été taciturne toute la journée. Ce n’était pas inhabituel, mais le silence d’aujourd’hui laissait supposer qu’il se repliait sur lui-même. Je détestais ce genre d’humeur. C’était comme s’il se réfugiait quelque part où je ne pouvais pas le suivre, dans un monde à lui, et il me laissait pleurer en vain à la porte. Je me penchai pour lui toucher le bras.
    — Achille, à peine as-tu pris une gorgée de vin…
    — Ça ne me dit rien.
    — Es-tu malade ?
    — Non. Est-ce que, quand je suis malade, je refuse d’en boire ? demanda-t-il, surpris.
    — Non, c’est plutôt une question d’humeur.
    Avec un soupir il promena son regard dans la salle.
    — J’aime cette pièce plus que toute autre. Elle est vraiment à moi . Il n’y a pas un seul objet que je n’aie obtenu à la pointe de l’épée.
    — Oui, c’est une belle pièce.
    — La beauté ravit les sens. C’est une faiblesse et je la méprise. Non, j’aime cette pièce parce que c’est mon trophée.
    — Un splendide trophée, bredouillai-je.
    Il fit semblant de ne rien entendre et se mit à rêver. Je m’efforçai de le ramener sur terre.
    — Sûrement il y a certains aspects de la beauté que tu apprécies ? Nul ne peut vivre sans la beauté.
    — Peu m’importe comment je vis et combien de temps, pourvu que je devienne célèbre, répliqua Achille. Quand je serai dans la tombe, jamais on ne m’oubliera. Crois-tu que je m’y sois mal pris pour devenir célèbre ?
    — C’est une affaire entre toi et les dieux, répondis-je. Tu ne les as pas offensés. Tu n’as pas tué de femmes enceintes ou d’enfants trop jeunes pour porter des

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