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Le Chevalier d'Eon

Le Chevalier d'Eon

Titel: Le Chevalier d'Eon Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Evelyne Lever
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réflexions et bribes de confession pour tenter de se comprendre lui-même, sans donner la clé de sa profonde névrose   : la raison qui l’a poussé à se faire passer pour une femme. De tous ses écrits qui se répètent et parfois se contredisent, il finit par composer un ensemble de onze chapitres pour la publication d’un livre qui ne verra jamais le jour. Il remit pourtant le manuscrit à son traducteur, comme en témoignent plusieurs annotations ‘.L’ouvrage très confus n’a jamais été édité parce qu’il était impubliable   : les principaux épisodes de la vie du héros sont interrompus par des considérations mystiques et délirantes sur son destin.
    L’auteur emploie tantôt le féminin, tantôt le masculin pour parler de lui. Intitulé Grande Épître historique de la chevalière d’Éon et daté de 1785, mais dont les deux derniers chapitres sont postérieurs à la Révolution, c’est un texte qui relève plus d’un examen psychiatrique que d’une analyse historique. Une longue préface {279} donne le ton de l’ouvrage. D’Éon se prend pour un nouveau saint Augustin, pécheur repenti, converti sur le tard et qui délivre ses confessions dans un ordre qui lui est propre. Dans son imitation du père de l’Église, d’Éon pèche par orgueil, sans s’en rendre compte. La somme éonienne, on s’en doute, n’a guère de rapport avec la somme augustinienne. « Je pardonne à saint Augustin, dit- il, d’avoir écrit ses Confessions devant Dieu, mais je ne pardonne pas à Jean-Jacques Rousseau d’avoir fait imprimer sa confession générale sur beau papier devant les hommes qui ne la demandaient pas.   »
    Annonçant le récit de son existence, il n’hésite pas à affirmer (sans plaisanter si l’on en juge par le contexte) : « Quant à ma confession particulière, je dois dire que ma vie n’ayant eu ni queue ni tête, je ne sais par où commencer et finir. Une vestale ne peut aussi hardiment accoucher qu’un philosophe de Genève et qu’une femme mariée devant la barbe d’un grand prêtre. Comme mon principe n’a point été dans l’ordre, il y en eut peut-être dans la conséquence. J’écris comme j’ai vécu. Mon ouvrage s’est opéré par morceaux et par lambeaux, tantôt en guerre, tantôt en paix, tantôt sous le règne de la lune, tantôt sous l’empire du soleil {280} .   »
    Les trois premiers chapitres retracent les principaux épisodes de son existence depuis sa naissance jusqu’en 1777, dont nous avons cité certains passages. Dès les premières pages, il évoque les doutes de ses parents quant à son appartenance sexuelle et le choix de son père   : son enfant doit être un fils. Il insiste sur son séjour en Russie et sur sa mission en Angleterre. Il y revient dans le second chapitre. Le troisième est consacré à son retour en France en 1777, après le procès au Banc du roi d’Angleterre qui l’a déclaré femme. Il raconte son entrevue avec dom Boudier à Saint-Denis, son entretien avec Vergennes. Son retour triomphal à Tonnerre et les conversations avec sa mère qu’il compare à sainte Monique, mère de saint Augustin, font l’objet des chapitres iv et v. À partir du chapitre suivant et jusqu’à la fin du manuscrit, d’Éon ne maîtrise plus le sujet qu’il avait jusque là déjà bien du mal à dominer. Il s’agit désormais pour lui d’expliquer sa double conversion, laquelle passe par un dédoublement de personnalité.
    À plusieurs reprises, comme pour s’affirmer femme, d’Éon parle « d’enterrer son frère, le capitaine de dragons   ». Sa naissance en tant que fille passe par la mort de l’homme qui sommeillait en son corps. « Depuis ce temps, dit-il, je suis demeurée libre dans l’esclavage de ma robe adhérente à ma peau où je suis si bien affermie depuis 1777, qu’aucune révolution humaine ne peut plus ébranler la base fondamentale de ma propriété naturelle. Tant bien que mal, je me suis habituée comme j’ai pu dans le mal et dans le bien   ; mais la réflexion, le temps et l’expérience m’ont démontré l’avantage et l’utilité de maintenir une fille dans les limites naturelles de la modestie, de la vertu, des fonctions et occupations de son sexe pour empêcher toute confusion dans l’ordre de la société   »

Les désarrois de la vierge du Middlesex
    C’est à Londres, lors de son second et dernier séjour, que d’Éon assume apparemment son rôle de femme. Il ne se revendique plus

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