Le clan de l'ours des cavernes
différente. Au fur et à mesure de leur progression, l'environnement géographique s'était considérablement modifié sous les yeux d'lza, qui avait à son insu enregistré les moindres particularités du paysage et plus spécialement de la végétation. Elle était capable de distinguer de loin les imperceptibles détails du contour d'une feuille ou même la taille d'une plante, et si, par hasard, elle trouvait en chemin quelques végétaux, certaines fleurs, un buisson ou un arbre qu'elle n'avait encore jamais vus, ils lui étaient pourtant familiers. Elle parvenait à en faire resurgir le souvenir profondément enfoui dans les replis de sa mémoire. Mais en dépit de cette impressionnante réserve d'informations, elle avait vu récemment une végétation qui lui était totalement inconnue, tout comme l'était d'ailleurs la contrée qu'ils traversaient. Elle aurait aimé l'examiner de plus près, car tout spécimen végétal nouveau l'intéressait, outre le fait que l'acquisition de connaissances supplémentaires était indispensable à leur survie immédiate.
Toutes les femmes étaient curieuses de connaître des plantes ignorées jusqu'alors et elles possédaient le talent d'en déterminer les effets et l'usage éventuel. Iza, comme les autres, se livrait à des expériences sur elle-même. Les similarités avec des plantes déjà répertoriées situaient les nouvelles dans des catégories voisines, mais toute bonne guérisseuse connaissait bien les dangers de l'amalgame : des caractères semblables ne signifiaient pas des propriétés identiques. La méthode d'expérimentation était simple. Elle en mangeait tout d'abord un petit morceau. Si le go˚t était désagréable, elle le recrachait immédiatement ; sinon, elle en gardait un bout dans la bouche en étudiant soigneusement les sensations de picotement ou de br˚lure qui pouvaient survenir ainsi que les altérations de la saveur. Si rien de tel ne se produisait, elle l'avalait et attendait d'en ressentir les effets. Le lendemain, elle en absorbait un morceau plus gros et procédait de même. Si aucune conséquence désagréable ne s'était manifestée à la troisième fois, elle considérait la plante comme une nouvelle denrée comestible, du moins en petites quantités au début.
Mais c'étaient les effets notables qui intéressaient surtout Iza, car ils indiquaient la possibilité d'un éventuel usage curatif. Les autres femmes lui apportaient tout ce qui présentait les caractéristiques de plantes exotiques ou vénéneuses. De telles expériences lui demandaient beaucoup de temps car elle procédait avec précaution, selon ses propres méthodes, et c'est pourquoi elle s'en tenait pour l'instant aux plantes connues tant qu'ils n'auraient pas découvert une nouvelle caverne.
Iza trouva non loin du campement plusieurs pieds de roses trémières dont les fleurs aux vives couleurs étaient épanouies. Les racines pouvaient fournir un empl‚tre dont les propriétés désinfectantes étaient comparables à celles obtenues à partir des rhizomes d'iris. L'infusion des fleurs, elle, atténuerait la douleur et aurait un effet somnifère. Elle arracha quelques pieds et finit de ramasser son bois mort.
Après le repas, la petite fille, assise contre un gros rocher, regardait tout le monde s'activer alentour. Une nourriture reconstituante et un pansement frais lui ayant fait le plus grand bien, elle se mit à jacasser à
l'adresse d'lza qui n'y comprenait goutte. Les autres membres du clan jetaient des regards désapprobateurs dans sa direction, mais elle était bien incapable d'en comprendre la signification. Leurs cordes C
vocales atrophiées leur rendaient impossible toute articulation précise.
Les quelques sons qu'ils émettaient pour souligner leurs gestes étaient dérivés des cris qu'ils poussaient en guise d'avertissement ou pour capter l'attention, et l'importance attachée aux verbalisations faisait partie de leurs traditions. Leurs moyens de communication - signes de la main, gestes, attitudes, intuition née du contact intime, coutumes - étaient très suggestifs mais limités. Aussi la volubilité de la fillette suscitait-elle parmi le clan perplexité et méfiance.
Ils chérissaient les enfants et les élevaient avec une réelle tendresse et une discipline qui se durcissait à mesure qu'ils grandissaient. Les hommes comme les femmes dorlotaient les bébés et mettaient au pas les jeunes enfants en se contentant la plupart du temps de ne
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