Le clan de l'ours des cavernes
pas leur prêter attention. En prenant conscience de la considération dont jouissaient leurs aînés, les jeunes prenaient exemple sur eux et apprenaient très t‘t à se conformer strictement aux usages établis. L'un d'entre eux consistait précisément à éviter de proférer un son inutile.
En raison de sa taille, la fillette paraissait plus que son ‚ge et, aux yeux du clan, elle passait pour indisciplinée et mal élevée.
Iza, en contact plus intime avec elle, avait deviné qu'elle était beaucoup plus jeune qu'il ne semblait. Elle était parvenue à estimer approximativement son ‚ge, et elle se laissait plus facilement attendrir par une enfant qui avait jeté ses petits bras autour de son cou avec un tel abandon. Par ailleurs, à en juger par les sons émis par la fillette au plus fort de sa fièvre, la guérisseuse avait supposé que le peuple auquel l'enfant appartenait verbalisait davantage et avec une grande aisance. Et puis, pensait-elle, elle aurait le temps de lui enseigner les bonnes manières. Elle commençait déjà à considérer la fillette comme la sienne.
Creb vint s'asseoir auprès de la petite fille pendant qu'lza versait de l'eau bouillante sur les sommités fleuries des roses trémières. L'enfant des Autres l'intéressait au plus haut point et, les préparatifs de la cérémonie nocturne n'étant pas encore achevés, il venait voir comment elle se remettait. La fillette et l'infirme restèrent un long moment à
s'observer avec une égale intensité. Le vieil homme avait pour la première fois l'occasion de voir de près un rejeton des Autres, et elle venait juste de découvrir l'existence du Peuple du Clan. Mais plus que les caractéristiques raciales, c'était ce visage ridé qui l'intriguait. Au cours de sa brève existence, elle n'avait jamais vu un être aussi monstrueusement défiguré. Impétueusement, avec l'audace spontanée des enfants, elle tendit la main vers la cicatrice qui lui barrait tout un côté
du visage.
Creb fut stupéfait lorsqu'il sentit cette main le caresser. Aucun des enfants du clan ne l'avait jamais touché ainsi. Aucun adulte non plus, d'ailleurs. Ils évitaient son contact, comme si sa difformité avait été
contagieuse. Seule Iza, qui le soignait lors des attaques d'arthrite qui le terrassaient un peu plus violemment chaque hiver, ne semblait ressentir aucune répugnance. Elle n'était pas dégo˚tée par son corps contrefait et ses horribles cicatrices, ou terrorisée par son pouvoir et par son rang. La douce caresse de la petite fille émut profondément ce vieux coeur solitaire. Il désira communiquer avec elle et se demanda un instant comment y parvenir.
- Creb, dit-il en se désignant du doigt.
Iza les regardait tranquillement en attendant que ses fleurs infusent. Elle était heureuse de l'intérêt que son frère portait à l'enfant.
- Creb, répéta-t-il en se frappant la poitrine.
La fillette tendit le visage en avant, essayant de comprendre ce qu'il attendait d'elle. Creb répéta son nom pour la troisième fois. Soudain son regard s'éclaira, et elle se redressa en souriant.
- Grub ? répondit-elle en roulant les r comme lui.
Le vieil homme approuva de la tête ; elle n'était pas trop loin de la bonne prononciation. Puis il la montra du doigt. Elle fronça légèrement les sourcils, incertaine de ce qu'il voulait à présent. Il se frappa la poitrine en disant son nom, puis frappa celle de la fillette. Le large sourire de compréhension qui illumina l'enfant fit à Creb l'effet d'une grimace, et quant au mot polysyllabique qui tomba de ses lèvres, il était non seulement imprononçable, mais quasiment incompréhensible. Il refit les mêmes gestes en s'approchant pour l'entendre mieux.
- Ay-rr, répéta-t-il, hésitant. Ay-lla, Ayla ?
C'était le mieux qu'il p˚t faire. Bien peu parmi les membres du clan seraient parvenus à un résultat aussi proche de l'exactitude. Elle sourit de nouveau en hochant la tête. Ce n'était pas tout à fait ce qu'elle avait dit, mais elle acceptait ce nom, comprenant dans la précocité de son intelligence que le vieil homme ne pouvait mieux faire.
- Ayla, répéta Creb pour s'habituer à la sonorité.
- Creb ? dit la petite fille en le tirant par le bras pour qu'il la regarde.
Puis elle désigna la femme.
- Iza, dit Creb. Iza.
- Iiiia-sa, répéta-t-elle, prenant manifestement un grand plaisir à ce jeu.
Iza, Iza, dit-elle encore en regardant la femme.
Iza acquiesça solennellement ;
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