Le clan de l'ours des cavernes
Autres, se dit Iza.
La guérisseuse enveloppa Ayla dans la couverture et la hissa sur sa hanche au moment du départ ; elle n'était pas suffisamment guérie pour marcher normalement mais, de temps à autre, Iza la laissait faire quelques pas toute seule. La fillette montrait un appétit féroce, et Iza constata qu'elle avait pris du poids, car elle était plus lourde à porter. Et c'est avec soulagement qu'elle la déposait par terre, d'autant que le chemin devenait de plus en plus pénible.
Le clan abandonna derrière lui la vaste étendue des steppes pour traverser une contrée vallonnée qui fit bientôt place à d'abruptes montagnes dont les sommets enneigés se rapprochaient sensiblement
chaque jour. Si d'épaisses forêts croissaient sur les pentes, ce n'étaient plus les conifères de la forêt boréale mais des arbres aux troncs noueux et aux larges feuilles caduques. La température s'était réchauffée bien plus vite que ne le laissait présager la saison, à la grande surprise de Brun.
Les hommes avaient troqué leur fourrure contre un pagne court en cuir, laissant le torse nu. Les femmes n'avaient pas changé de vêtements, trouvant plus commode de Porter leurs ballots vêtues de peaux pour se protéger des frottements.
Le paysage n'avait rien de commun avec la froide prairie qui entourait leur ancienne caverne. Iza dut recourir de plus en plus souvent à ses connaissances ancestrales tandis que le clan traversait les vallées ombreuses et les collines boisées. L'écorce brun foncé des chênes, des hêtres, des pommiers et des érables alternait avec celle plus tendre et plus souple des saules, des bouleaux, des peupliers, des aulnes et des noisetiers. L'air avait une senteur particulière qui semblait portée par une douce brise tiède en provenance du sud. Des chatons pendaient encore aux branches feuillues des bouleaux. Des pétales fragiles tombaient en pluie rose et blanche, promesse précoce d'un automne fructueux.
Ils cheminaient avec difficulté à travers des sous-bois denses, d'o˘ ils ne sortaient que pour longer des pentes ravinées par les eaux et le soleil.
quand ils franchissaient une arête, les collines autour d'eux offraient à
leur vue une formidable palette de verts. Avec l'altitude les sapins argentés réapparaissaient, tachés plus haut du bleu des épicéas. Le vert sombre des conifères se mêlait au véronèse des arbres à feuilles caduques et au vert amande d'autres espèces à petites feuilles. Les mousses et les herbes ajoutaient leurs teintes à la mosaÔque des oxalides, de l'oseille sauvage et des succulentes accrochées aux roches. Les fleurs sauvages mouchetaient les sous-bois du blanc des trilliums, du bleu des violettes, du rose p‚le des aubépines, tandis que le jaune des jonquilles et le bleu et jaune des gentianes dominaient dans les prairies de montagne. Dans les rares endroits préservés de l'ardeur du soleil, les dernières anémones dressaient comme un défi leurs têtes blanches.
Le clan décida de faire halte après avoir atteint le sommet d'un escarpement. Au-dessous, le paysage ondoyant des collines s'interrompait brusquement devant les steppes qui s'étendaient jusqu'à l'horizon. De leur poste d'observation, les hommes pouvaient distinguer de nombreux troupeaux p‚turant dans les hautes herbes dont le vert commençait déjà à jaunir au soleil de l'été. Des chasseurs se déplaçant rapidement, débarrassés des femmes lourdement chargées, pourraient fort bien gagner ces étendues herbeuses en moins d'une matinée et y choisir leurs proies parmi une grande variété de gibier. Le ciel était encore dégagé vers l'est, au-dessus de la vaste prairie, mais de gros nuages noirs menaçants arrivaient du sud. Ils ne tarderaient pas à rencontrer la chaîne de montagnes et à éclater en orages sur le clan.
Brun et ses hommes tenaient conseil, à l'écart des femmes et des enfants qui, cependant, à leurs airs préoccupés et à leurs gestes, comprirent vite ce qui les tourmentait. Ils se demandaient en effet s'ils ne seraient pas plus avisés de rebrousser chemin. Non seulement la région leur était totalement inconnue, mais ils s'éloignaient beaucoup trop des steppes à leur go˚t. Certes ils avaient entraperçu de nombreux animaux dans les bois au pied des collines, mais ce n'était rien par comparaison avec les superbes troupeaux engraissés dans les riches herbages des plaines. Il était infiniment plus facile de chasser le gibier à
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